Quels sont les effets des huit pratiques organisationnelles identifiées au cours de la thèse en convention CIFRE effectuée en collaboration entre AD Conseil et le laboratoire Qualipsy de l’université de Tours ? Les résultats d’une première étude démontraient qu’elles avaient des effets positifs sur le bien-être psychologique. Après un premier épisode consacré aux concepts et un second dédié aux pratiques organisationnelles, ce troisième épisode détaille les effets de ces pratiques sur les attitudes et les comportements positifs des collaborateurs.
De quels attitudes et comportements positifs parle-t-on ?
Nous avons choisi dans le cadre de cette recherche d’étudier l’effet des pratiques organisationnelles considérées sur deux indicateurs d’intention comportementale et de comportements positifs, à savoir l’intention des collaborateurs de rester dans la structure et les comportements citoyens envers l’organisation.
L’intention de rester renvoie à « la volonté consciente et délibérée des employés de rester dans l’organisation » (Cho et al., 2009). Cette intention est bien entendue un important marqueur de fidélisation.
Les comportements citoyens, eux, réfèrent à « des comportements individuels de type discrétionnaire, non directement ou explicitement reconnus par le système formel de récompense, et qui contribuent au fonctionnement effectif de l’organisation » (Organ, 1988). En d’autres mots, ils renvoient à des comportements qui vont au-delà de ce qui est formellement attendu dans les missions de la fiche de poste telles que le fait de participer activement à la résolution de problème dans l’organisation ou de défendre l’image de l’organisation auprès d’autrui.
Quels sont les effets de ces pratiques sur les comportements de citoyenneté et l’intention de rester ?
La recherche réalisée, auprès de 290 collaborateurs issus de multiples secteurs d’activité privé, associatif et public, a révélé que ces huit pratiques organisationnelles avaient effectivement des effets positifs sur l’intention de rester et les comportements citoyens envers l’organisation des collaborateurs.
La théorie de l’échange social de Blau (1964) nous apporte des éléments d’interprétation de ces premiers résultats. En effet, celle-ci postule que la relation entre d’une part une organisation et d’autre part un collaborateur se développe et perdure uniquement lorsqu’ils s’apportent des bénéfices mutuels. En d’autres mots, cela signifie que lorsqu’une des parties génère un bénéfice pour la seconde partie, cette dernière devra nécessairement lui répondre favorablement pour entretenir une relation positive. En revanche, une absence de réponse pourrait nuire à la relation. C’est ce que Gouldner (1960) appelait la norme de réciprocité.
Ainsi, les pratiques organisationnelles considérées pourraient être perçues par les collaborateurs comme des bénéfices reçues de la part de l’organisation, qui adopteraient en conséquence des intentions et comportements qui lui sont favorables.
Plus précisément, parce ces pratiques sont discrétionnaires, c’est-à-dire qu’elles sont implémentées par l’unique volonté de l’organisation en dehors de toute exigence ou pression, elles peuvent être le signe que celle-ci va au-delà des attendus. Ces pratiques pourraient ainsi engendrer l’apparition chez les collaborateurs de comportements eux aussi discrétionnaires tels que les comportements citoyens.
Quel mécanisme peut expliquer cette relation ?
Cette recherche a également démontré que le sentiment d’adéquation du collaborateur à l’organisation médiait totalement et partiellement les relations positives entre d’une part ces huit pratiques organisationnelles et d’autre part l’intention de rester et les comportements citoyens.
La théorie de signal de Spence (1973, 2002) apporte également des éléments de compréhension à ces résultats. Elle explique que les attributs d’une organisation transmettent aux collaborateurs des informations sur celle-ci qui affecteront in fine leurs comportements.
Or, parce ce que les pratiques organisationnelles étudiées ont pour vocation de promouvoir la santé psychologique des collaborateurs, leur implémentation et leur amélioration véhiculent auprès de ces derniers des informations sur les intentions humanistes de la gouvernance.
Aussi, en référence à la théorie générale de l’adéquation personne-environnement (Jansen & Kristof-Brown, 2006), ces pratiques pourraient accroître chez le collaborateur le sentiment d’adéquation vis-à-vis de l’organisation, c’est-à-dire le sentiment que l’organisation lui correspond en matière d’objectifs et de valeurs (Kristof, 1996).
Finalement, parce que le collaborateur se sentirait en adéquation avec l’organisation, il aurait davantage l’intention d’y rester et d’adopter des comportements bénéfiques à son fonctionnement et son développement.
Conclusion
Les résultats de cette étude sont novateurs dans la mesure où ils confirment pour la première fois des liens positifs entre les huit pratiques organisationnelles étudiées conjointement et les intentions et comportements sélectionnés. En effet, les théories évoquées suggèrent que ces pratiques envoient des messages aux collaborateurs sur les intentions et la volonté de l’organisation de préserver et de promouvoir leur santé et leur bien-être psychologique. Les résultats confirment aussi qu’au-delà de leurs effets bénéfiques sur les collaborateurs, l’implémentation et l’amélioration de telles pratiques génèrent des effets positifs sur le fonctionnement de l’organisation dans sa globalité. Enfin, ce travail de recherche met finalement en évidence que l’adéquation perçue à l’organisation explique en partie ses relations.
L’autrice
Julia Aubouin-Bonnaventure est docteure en psychologie et ingénieure de recherche en psychologie du travail et des organisations au sein de l’EE 1901 QualiPsy à l’Université de Tours. Son travail de recherche sur les pratiques organisationnelles vertueuses (POV) a été distingué par le Prix de thèse de la Fondation Anthony Mainguené-CIECST en 2022. |
Bibliographie
Aubouin-Bonnaventure, J., Chevalier, S., Coillot, H., Lahiani, F.-J., & Fouquereau, E. (2022). Effets des pratiques organisationnelles vertueuses sur les comportements citoyens et l’intention de rester dans l’entreprise: Le rôle médiateur de l’adéquation personne-organisation. Psychologie du Travail et des Organisations, 28(3), 183–195. https://doi.org/10.1016/j.pto.2022.05.001
Blau, P. M. (1964). Exchange and Power in Social Life. New York: John Wiley and Sons.
Cho, S., Johanson, M. M., & Guchait, P. (2009). Employees intent to leave: A comparison of determinants of intent to leave versus intent to stay. International Journal of Hospitality Management, 28(3), 374–381. https://doi.org/10.1016/j.ijhm.2008.10.007
Gouldner, A. W. (1960). The Norm of Reciprocity: A Preliminary Statement. American Sociological Review, 25(2), 161. https://doi.org/10.2307/2092623
Jansen, K. J., & Kristof-Brown, A. (2006). Toward a Multidimensional Theory of PersonEnvironment Fit. Journal of Managerial Issues, 18(2), 193–212.
Kristof, A. L. (1996). Person-Organization Fit: An Integrative Review of Its Conceptualizations, Measurement, and Implications. Personnel Psychology, 49(1), 1– 49. https://doi.org/10.1111/j.1744-6570.1996.tb01790.x
Spence, M. (1973). Job Market Signaling. The Quarterly Journal of Economics, 87(3), 355–374. https://doi.org/10.2307/1882010
Spence, M. (2002). Signaling in Retrospect and the Informational Structure of Markets. American Economic Review, 92(3), 434–459. https://doi.org/10.1257/00028280260136200
Organ, D. W. (1988). Issues in organization and management series. Organizational citizenship behavior: The good soldier syndrome. Lexington, MA: Lexington Books.
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