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La crise sanitaire, les incertitudes chroniques qu’elle engendre et les changements organisationnels fréquents qui en découlent sont à l’origine d’une instabilité qui met à l’épreuve la confiance des salariés envers leur employeur. Pourtant, celle-ci constitue le ciment de l’interaction entre les deux parties. Elle est le gage d’une relation de qualité sur le long terme et d’un investissement mutuel.
Or, s’il est communément admis que la confiance en entreprise est essentielle, certaines questions restent souvent sans réponse, à savoir comment favoriser concrètement la confiance des salariés envers leur employeur ? Et comment réparer une confiance altérée ? Nous vous proposons aujourd’hui quelques éléments de réponse issus de la recherche fondamentale en psychologie du travail.
La confiance en entreprise, une condition nécessaire pour les deux parties
Pour l’employeur, la confiance permet de réduire les coûts de transaction. Selon Roderick Kramer (1999), professeur en science du comportement, lorsque les différents acteurs de l’organisation se connaissent et se font confiance, les décisions collaboratives sont prises plus aisément. La confiance accroît également les comportements coopératifs et altruistes entre les salariés.
De plus, Jacob Guinot et Ricardo Chiva (2019), chercheurs de l’Université Jacques-Ier en Espagne, ont récemment relevé que lorsque les salariés ont une relation de confiance avec l’employeur, ils sont plus disposés à accomplir leurs tâches de travail et à participer activement à la vie de l’organisation, et sont par conséquent plus performants.
Pour les salariés, avoir confiance envers l’employeur s’accompagne d’une moindre suspicion à son égard et d’une amélioration de leur santé psychologique. Précisément, Donald Ferrin et Kurt Dirks (2002), ainsi que Kerstin Alfes et son équipe (2012), tous spécialiste du comportement organisationnel et de la gestion des ressources humaines, ont observé qu’un accroissement de la confiance est associé positivement au bien-être psychologique et à la satisfaction au travail, et négativement à la fatigue, au stress et à l’intention de quitter l’organisation.
Parce qu’ils ont des expériences positives avec leur employeur et qu’ils ont réussi à établir une confiance mutuelle, les salariés ont également davantage tendance à s’engager envers l’organisation et à adopter des comportements qui lui sont bénéfiques, tels que les comportements citoyens (Ferrin & Dirks, 2002). L’employeur a donc tout à y gagner.
Comment définir la confiance ?
Denise Rousseau et ses collaborateurs, chercheurs américains en science du comportement organisationnel, ont défini en 1998 la confiance comme « un état psychologique comprenant l’intention d’accepter un état de vulnérabilité sur la base d’attentes positives à l’égard des intentions ou du comportement d’autrui ».
Deux points importants sont à relever dans cette définition. En premier lieu, la confiance implique une situation d’interdépendance professionnelle et un état de vulnérabilité dans la mesure où les bénéfices obtenus de la relation sont conditionnés par les actions d’autrui. En second lieu, la confiance renvoie aux croyances des salariés quant à la volonté de l’employeur d’agir de façon bienveillante.
Comment favoriser la confiance des salariés envers leur employeur ?
Lorsque les salariés vivent quotidiennement des événements dans leur contexte professionnel, ils évaluent la fiabilité de l’employeur et la confiance qu’ils lui accordent. Cette confiance découle donc de l’expérience cumulée conjointe et de la crédibilité des paroles. Autrement dit, la confiance en entreprise n’est pas un acquis et se construit chaque jour.
Ainsi, selon une équipe de chercheurs américains en science du management (Mayer et ses collaborateurs, 1995), l’employeur doit d’abord faire preuve de constance et de prévisibilité. Cela implique par exemple de respecter les engagements pris. Il est nécessaire que les salariés puissent anticiper ses actions pour réduire l’incertitude et adapter leurs comportements en conséquence. Si tel est le cas, les salariés auront le sentiment de prendre un risque moins important en accordant leur confiance.
Ensuite, l’employeur doit être perçu comme fiable, c’est-à-dire doit démontrer quotidiennement son expertise (connaissances et compétences lui conférant une influence significative dans son domaine professionnel), sa bienveillance (en dehors de tout profit autocentré) et son intégrité (adhésion à un ensemble de principes moraux).
Concrètement, Donald Ferrin et Kurt Dirks (2002) ont également démontré que pour accroître la confiance qui lui est conférée, l’employeur peut :
- Exprimer son soutien auprès de ses salariés,
- Les inviter à prendre part aux prises de décision organisationnelles,
- Les reconnaître pour leur contribution au bon fonctionnement de l’organisation,
- Diffuser les informations en toute transparence,
- Faire preuve de justice organisationnelle dans ses décisions (ex : faire connaître les procédures et les critères de décision).
Comment réparer une confiance altérée ?
Selon Roy Lewicki et Barbara Bunker (1996), experts en management et gestion des ressources humaines, lorsque l’employeur n’a pu ou souhaité respecter ses engagements, la confiance des salariés peut se dégrader. Dans ces cas, pour rétablir la confiance, il est recommandé que l’employeur :
- Reconnaisse qu’un manquement a été commis,
- Détermine les causes de ce manquement et admettre sa culpabilité,
- Admette que l’acte a été destructeur,
- Accepte la responsabilité des conséquences.
Il alors nécessaire de réaliser des actions correctives en modifiant les composants dysfonctionnels organisationnels et comportementaux ayant engendré la perte de confiance. Si la perte de confiance est associée à des promesses non tenues, il devra limiter l’expression d’engagements difficiles à tenir pour éviter l’émergence d’attentes chez les salariés.
Conclusion
La confiance que portent les salariés envers leur employeur évolue perpétuellement au gré de leurs expériences professionnelles et conditionne leurs attitudes et comportements à son égard. Aussi, parce que la confiance en entreprise se construit au quotidien, l’employeur doit aujourd’hui plus que jamais préserver sa crédibilité en adoptant des pratiques concrètes. Ce constat est particulièrement prégnant dans le contexte actuel dans lequel une méfiance des salariés constituerait une difficulté supplémentaire.
Auteur
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et doctorante en convention CIFRE en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
Alfes, K., Shantz, A., & Truss, C. (2012). The link between perceived HRM practices, performance and well-being : The moderating effect of trust in the employer. Human Resource Management Journal, 22(4), 409‑427. https://doi.org/10.1111/1748-8583.12005
Ferrin, D. L., & Dirks, K. T. (2002). Trust in Leadership : Meta-Analytic Findings and Implications for Research and Practice. Journal of Applied Psychology, 87(4), 611‑628. https://doi.org/10.1037/0021-9010.87.4.611
Guinot, J., & Chiva, R. (2019). Vertical Trust Within Organizations and Performance : A Systematic Review. Human Resource Development Review, 18(2), 196‑227. https://doi.org/10.1177/1534484319842992
Kramer, R. M. (1999). Trust and distrust in organizations : Emerging Perspectives, Enduring Questions. Annual Review of Psychology, 50(1), 569‑598. https://doi.org/10.1146/annurev.psych.50.1.569
Lewicki, R. J. & Bunker, B. B. (1996). Developing and Maintaining Trust in Work Relationships. In R. M. Kramer & T. R. Tyler (Eds.), Trust in Organizations: Frontiers in Theory and Research (114-139). Sage Publications : Thousand Oaks. http://dx.doi.org/10.4135/9781452243610.n7
Mayer, R. C., Davis, J. H., & Schoorman, F. D. (1995). An integrative model of organizational trust. The Academy of Management Review, 20(3), 709–734. https://doi.org/10.2307/258792
Rousseau, D. M., Sitkin, S. B., & Burt, R. S. (1998). Not so different after all : A cross-discipline view of trust. Academy of Management Review, 23(3), 393‑404. https://doi.org/10.5465/amr.1998.926617
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