A l’occasion de la semaine de la QVT 2020, AD CONSEIL vous propose des témoignages et retours sur expériences de travailleurs dits « essentiels ». L’objectif est à la fois de documenter ces semaines exceptionnelles, mais aussi de capitaliser les bonnes pratiques et de tirer des enseignements utiles sur lesquels nous reviendrons en fin de témoignage.
Le Blog QVT : Que faites-vous dans la vie ?
Je suis infirmière dans une clinique du centre cardiologique du nord et je travaille dans le service de réanimation chirurgicale.
En quoi la crise sanitaire a-t-elle bouleversé votre quotidien au travail ?
Le bouleversement s’est surtout fait par rapport à la charge de travail qui était beaucoup plus lourde, à l’organisation et aux précautions d’hygiènes. Dans les hôpitaux et les cliniques, l’hygiène est une préoccupation constante. Mais depuis le début de la pandémie, nous avons suivi des règles encore plus strictes. Nous utilisions beaucoup plus de matériel de protection, notamment des blouses et des masques. Pendant plusieurs semaines, nous avons dû faire attention au gaspillage car nous étions assez limités.
Quelles mesures ont été prises lors du début du confinement ?
Nous avons dû réaménager certains services et former des infirmières qui ne connaissaient pas du tout le service de réanimation et la prise en charge de patients aux cas assez lourds. Nous avons dû également mettre en place toutes les mesures d’hygiènes que l’on connait et la distanciation sociale.
On avait beaucoup plus de travail mais moins de patients. Et nous avons renforcé le personnel. Par exemple, nous étions 7 infirmiers pour 14 patients (au lieu de 6) et nous recevions l’aide de 3 aides-soignants (au lieu de 2).
Comment définiriez-vous vos conditions de travail pendant cette crise ?
J’estime avoir eu des bonnes conditions de travail. Il y a eu un très bon travail d’équipe. Nos responsables ont créé des groupes WhatsApp pour nous donner régulièrement des informations et nous avertir des précautions à prendre. Tout nous était communiqué, comme par exemple les démarches à suivre lors de l’arrivée d’un patient. Il y avait une bonne communication et nous avions le matériel nécessaire pour notre travail. Nous n’avons manqué de rien.
Il y avait beaucoup d’entraide entre nous et nous avons maintenu une bonne humeur au sein de l’équipe. Cela a vraiment été bénéfique car le travail était difficile et très fatigant. Nous avons dû faire de nombreuses heures supplémentaires et les cas de patients étaient souvent très graves. Le travail était lourd et répétitif car les patients avaient tous des syndromes respiratoires aigus donc nous répétions toujours les mêmes soins. Mais encore une fois, il y avait une bonne entraide entre collègues donc tout s’est bien passé.
Pensez-vous que cette crise aura des répercussions sur votre façon de travailler à posteriori ?
Non je ne pense pas. En général dans les services de réanimation, nous nous aidons beaucoup. Je pense que nous serons beaucoup plus à l’aise face à des patients avec des syndromes respiratoires aigus car nous n’avons vu que ça pendant ces deux mois. C’était très formateur d’un point de vue professionnel et humain. La patience et le relationnel ont été très important pendant crise.
Quels sont les enseignements que vous tirez de cette crise sanitaire ?
Nous n’étions pas prêts ! Et on a mis un peu de temps à l’être.
Nous n’étions pas prêts à recevoir autant de malades et autant de cas graves. Il y a eu un manque de moyens. Dans mon cas, nous faisons attentions aux matériels car nous avions peur d’en manquer. J’ai des consœurs qui travaillent en hôpital qui me racontaient qu’elles travaillaient toute la journée avec la même blouse. Il faut savoir que ce n’est pas évident de travailler en blouse pour administrer les soins aux patients. Il y fait très chaud. Au bout d’un certain temps, le porte du masque nous donne mal à la tête.
Personnellement, je n’ai pas fait trop attention à ce qui se disait. C’est vrai que tout d’un coup, on est sous les feux des projecteurs et on existe. Même si in fine, nous ne faisons que notre travail cela fait du bien d’être reconnu. Plusieurs personnes ont fait des gestes pour aider le personnel de santé. Cela a moins été le cas pour les salariés du secteur privé, hors soins, pourtant aussi exposés.
Aujourd’hui, ce que nous attendons concrètement, c’est la réévaluation de notre travail. Certes, le gouvernement évoque des hausses de salaires pour les agents hospitaliers. Mais je suis salariée d’un établissement privé et nous ne savons pas si nous serons concernés par ces revalorisations.
Quels enseignements ? L’avis du Blog QVT.
Le témoignage de Maeva soulève plusieurs problématiques persistantes depuis plusieurs années dans le secteur sanitaire et exacerbées par la pandémie de COVID-19.
Dans cette situation, l’effet préventif et salutaire de deux facteurs mérite d’être mis en évidence. Il s’agit de la qualité des soutiens conjuguée à l’accès à une information actualisée en temps réel, essentielle en « mode crise ».
Cependant, l’accroissement des exigences organisationnelles liées à l’instauration des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, la réorganisation du travail et des services, ainsi que l’arrivée et la formation des personnels de santé dans le service réanimation sont des facteurs alourdissant la charge de travail et pouvant représenter un risque d’épuisement professionnel.
Le manque de matériel adéquat ainsi que le manque de reconnaissance des personnels tant sur le plan financier que sur celui de la représentation sociale se constatent aujourd’hui plus que jamais et sont à l’origine d’un turn-over important dans les professions soignantes.
Pour remédier à cette dégradation des conditions de travail, le modèle des « Magnet Hospital » apporte des actions concrètes à promouvoir, dont trois axes de travail particulièrement efficients :
1) La participation réelle à la prise de décision : Dans un contexte de crise, s’il est primordial de renforcer les canaux de communication descendants (ex : transmissions de la direction vers les personnels d’informations claires, pertinentes et opportunes), il est tout aussi nécessaire de favoriser la participation à la prise de décision des personnels. En effet, le recueil et l’écoute par la direction des demandes et solutions proposées par les salariés assurent la réactivité et la capacité d’adaptation indispensables dans des contextes où l’apprentissage se fait chemin faisant.
2) Le soutien à l’image de la profession : La reconnaissance du caractère vital des compétences des personnels soignants est essentielle au regard de l’effort fourni dans le contexte actuel. La politique de rétribution des établissements sanitaires est à ce titre essentielle. C’est à cet enjeu particulier que doit répondre le tant attendu Ségur de la santé. Par ailleurs, si un changement profond dans la représentation sociale des métiers soignants commence à s’opérer dans l’opinion, les établissements de santé ont le pouvoir de le soutenir par le vecteur de leur image publique, en veillant notamment à la valorisation durable des efforts de leurs personnels en tout temps.
3) Un développement professionnel : La réaffectation en urgence de nombreux personnels de tous les services vers les services de réanimation illustre l’importance de la flexibilité organisationnelle et de la transversalité des compétences face à des situations de crise sanitaire. Les établissements de santé doivent soutenir leurs personnels dans cette voie en soutenant la formation professionnelle continue et la mobilité interne, ou encore la découverte des processus inter-services.
Pour en savoir plus :
Découvrez le modèle des « Magnet Hospitals », pensé pour favoriser la qualité de vie au travail et la fidélisation des personnels soignants aux Etats-Unis.
Et n’hésitez-pas à vous exprimer dans le cadre de la consultation citoyenne proposée par le Ministère des Solidarités et de la Santé dans cadre du Ségur de la Santé.
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