De nombreuses organisations du travail font face à l’essoufflement de leurs démarches d’amélioration de la QVT passée la phase d’état des lieux. Cette difficulté interroge la façon dont sont élaborés, structurés et déployés les plans d’amélioration de la qualité de vie au travail. Cet article traite de ces écueils et propose des pistes concrètes pour les dépasser.
Quels écueils conduisent à l’essoufflement des démarches QVT ?
Les démarches d’amélioration de la QVT sont la plupart du temps centrées sur les phases d’évaluation. Même si les plans d’amélioration de la QVT qui en découlent en sont la finalité première, l’expérience montre qu’ils peinent souvent à se déployer et à produire les résultats escomptés.
De nombreuses démarches QVT s’essoufflent sans aboutir à des améliorations tangibles pour les collaborateurs.
Cet écueil questionne la méthodologie d’élaboration, de déploiement et de suivi du plan d’amélioration de la QVT. Plusieurs écueils peuvent ainsi être relevés.
- Un déficit de priorisation conduisant à des plans d’action trop denses et peu réalistes : de nombreux plan d’amélioration de la QVT reprennent sans filtres l’ensemble des axes d’amélioration identifiés lors des phases d’évaluation, sans hiérarchisation ni prise en considération du plan de charge qu’entraine leur déploiement.
- Un manque de structuration des actions : Cet écueil est caractéristique des mesures où les pilotes, les jalons et les étapes de la mise en œuvre, les moyens techniques et humains dédiés ou les modalités de suivi sont peu ou pas précisés. La mesure reste au stade de déclaration d’intention, sans véritable feuille de route détaillant de quelle façon elle doit être mise en œuvre.
- Un flou concernant le caractère engageant du plan d’action : Les évaluations de la QVT sont la plupart du temps réalisées par des tiers externes. Les préconisations émises par ce tiers sont de facto facultatives. Le processus de validation de nombreux plans d’amélioration de la QVT est parfois flou, ce qui conduit à un manque de précision à propos du caractère obligatoire ou facultatif des mesures à mettre en œuvre.
- Une phase projet non différenciée de la phase de mise en œuvre : Dans de nombreuses organisations, la démarche QVT se résume quasiment à la phase d’évaluation (audit, diagnostic, etc.) qui devient une fin en soi. Pourtant, ces phases ne sont qu’un préalable à la mise en œuvre de mesures concrètes améliorant tangiblement la qualité de vie au travail des collaborateurs.
- Par ailleurs, les pilotes de la phase d’évaluation ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui auront la charge de déployer les actions. L’absence d’un point de bascule entre la phase d’évaluation – conduite en mode projet et limitée dans le temps – et la phase de mise en œuvre des mesures qui peut porter atteinte à la dynamique de la démarche QVT.
- L’absence de mesure d’impact : Il est difficile d’apprécier l’efficience d’un plan d’action si on ne peut pas en évaluer les résultats. Pourtant, de nombreux plans d’amélioration de la QVT ne sont pas assortis d’indicateurs d’impact fiables. Dans ce cas de figure, il est difficile d’estimer la pertinence et l’efficience des mesures déployées.
L’analyse de ces écueils permet de déduire un ensemble de prérequis et de bonnes pratiques permettant de concevoir des plans d’amélioration de la QVT réalistes et répondant aux enjeux et aux attentes.
Penser le pilotage au-delà de l’évaluation
L’amélioration de la QVT ne se résume pas à son évaluation. Par conséquent, lorsqu’une organisation s’engage dans une démarche d’amélioration, il est essentiel de penser un cadre de pilotage allant au-delà des traditionnelles phases d’état des lieux (audit, diagnostic, baromètre, etc.).
Il est ainsi primordial de préciser dès le démarrage de la démarche :
- Les instances en charge de la validation formelle des recommandations (instances de direction, instantes paritaires, etc.)
- Les modalités de pilotage de la démarche à l’issue de la phase d’évaluation.
Il s’agit en somme de bien anticiper la bascule entre la phase projet, souvent conduite aux côtés d’un tiers externe qui en garantit la dynamique, et la phase de mise en œuvre, plus engageante et devant être mise en œuvre en relative ou totale autonomie.
Structurer un plan d’amélioration de la QVT réaliste, précis et complet
Toute démarche d’évaluation de la QVT mettra en lumière de nombreux axes d’amélioration. Les reprendre intégralement n’a pas de sens. Il est illusoire de penser qu’une organisation pourra opérer des feuilles de routes de plusieurs dizaines de mesures avec efficacité.
Un plan d’amélioration efficace passe par des arbitrages permettant de sélectionner les mesures les plus pertinentes au prisme de critères précis, comme l’impact de la mesure, la population concernée, les moyens à engager ou l’effet attendu. Ce processus de sélection gagne à être transparent et collaboratif. Au terme du processus, un nombre limité de mesures phares auront été retenues.
Le fait de sélectionner un nombre limité de mesures (quatre à six idéalement) a le mérite de mettre en lumière de grandes causes facilement identifiables, connues de tous, et sur lesquelles il sera aisé de mesurer et de valoriser des améliorations tangibles.
Une fois les mesures sélectionnées, le travail de structuration proprement dit pourra commencer.
Pour chaque mesure, il s’agira de déterminer :
- Le périmètre précis de mise en œuvre de la mesure (entité, service, famille de métiers, etc.),
- Les pilotes et les contributeurs, en formalisant clairement leur rôle et leurs responsabilités,
- Les jalons et les étapes de la mise en œuvre,
- Les moyens humains, techniques et financiers à consacrer,
- Les finalités attendues et la façon de les mesurer (nous parlerons ici d’indicateurs de déploiement, la plupart du temps qualitatifs),
- Les effets attendus et la façon de les mesurer (nous désignerons ici les indicateurs d’impact, la plupart du temps quantitatifs),
- Le délai nécessaire pour mesurer les effets,
- Les instances en charge du suivi du déploiement et de l’impact,
- Les modalités d’ajustement de la mesure si le déploiement ne peut être achevé ou si l’impact mesuré n’est pas satisfaisant.
C’est seulement lorsque l’ensemble de ces éléments auront été précisés et validés que l’on pourra parler d’un véritable plan d’action structuré.
Suivre le déploiement et ajuster les mesures en temps réel
Une fois le déploiement du plan d’amélioration de la QVT initié, les instances paritaires et managériales en charge du suivi entrent en jeu.
Un suivi périodique des indicateurs de déploiement et d’impact doit ainsi être réalisé.
Lorsque des difficultés à déployer les mesures sont observées, plusieurs éléments pourront être questionnés. Deux éléments sont généralement en cause : la légitimité et la latitude dont disposent les pilotes d’une part, et l’adéquation des moyens humains, techniques et financiers avec la charge que représente l’implantation de la mesure d’autre part.
Si la mesure se déploie correctement mais qu’elle ne produit pas les effets escomptés, il devient nécessaire de revenir sur sa nature même. Répond-elle bien aux éléments soulevés lors de l’état des lieux ? Et s’adresse-t-elle aux bons bénéficiaires ?
Dans ce cas de figure, il est également pertinent de questionner l’évolution du contexte socio-économique. Des transformations de l’organisation peuvent ainsi rendre caducs certains constats et les mesures d’action qui en ont découlé. Dans ce cas, il est nécessaire de réviser le contenu même du plan d’amélioration de la QVT.
Conclusion
L’amélioration de la QVT est loin de se résumer à son évaluation ou à la formulation de vagues axes d’amélioration. Un plan d’action efficace sous-entend des arbitrages et un travail de hiérarchisation des priorités. Sa mise en œuvre passe ensuite par un travail collaboratif exigeant et un véritable engagement collectif permettant de structurer des mesures concrètes et précises, de les implanter dans le quotidien jusqu’à ce qu’elles produisent les effets escomptés.
Un article de Fadi Joseph LAHIANI, Psychologue du travail et des organisations
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