Prendre en compte la culture d’entreprise dans le processus d’intégration

11 Août, 2020
Culture d'entreprise

L’intégration dans une nouvelle organisation du travail constitue une étape clé, autant pour l’individu que pour l’employeur. La première année d’un nouvel embauché présente ainsi un risque fort de rupture. En effet, une enquête de la DARES (2015) indique, par exemple, que 36% des CDI conclus en 2011 ont été rompus en moins d’un an. Le risque étant particulièrement élevé dans les premiers mois puisque 10% des CDI conclus en 2011 ont duré moins d’un mois et 19,6% moins de trois mois.
L’un des enjeux que l’on peut associer à ce risque est la confrontation entre la culture de l’individu et la culture d’entreprise (ou culture organisationnelle). La découverte et l’apprentissage des normes explicites et implicites de l’organisation pour le nouvel arrivant est notamment l’occasion de découvrir un potentiel décalage avec ses propres attentes et représentations de la structure.

Décrypter la culture d’entreprise

Il existe de nombreuses conceptions de la culture d’entreprise dans la littérature scientifique. Parmi elles, Olivier Meier (2016) propose de la définir comme « l’ensemble des manières de penser, de sentir et d’agir qui sont communes aux membres d’une même organisation ». Cette notion regroupe ainsi les valeurs, les croyances, les postulats, les attitudes et les normes communes au sein de l’organisation.

L’auteur propose notamment onze critères permettant de décrypter la culture d’entreprise :

  1. Histoire  : Dates clés ; personnalités marquantes
  2. Métier : Secteur professionnel ; type de clientèle
  3. Valeurs dominantes : Philosophie ; orientations
  4. Référentiel en termes de développement : Stratégie concurrentielle ; modes de développement
  5. Positionnement face à l’environnement : Implantation géographique ; sensibilités aux valeurs sociales et sociétales
  6. Éléments d’identification et d’appartenance : Symboles ; noms ; insignes
  7. Type de structure : Statut juridique ; organigramme ; mode de fonctionnement
  8. Processus de décision : Critères d’appréciation ; niveau de délégation
  9. Style de management et sources de pouvoir : Source du pouvoir ; style de direction
  10. Politique des ressources humaines : Gestion des carrières ; politique de recrutement
  11. Comportements et les attitudes : Motivations des employés ; taux d’absentéisme ; climat social

L’ensemble de ces critères témoignent de la pluralité des caractéristiques à découvrir par un nouvel arrivant. Aussi, si certains aspects peuvent sembler relativement aisés à appréhender avant même l’intégration, comme les critères d’histoire et de métier, d’autres sont moins accessible de prime abord, à l’image des comportements et attitudes par exemple.

Pour une culture d’entreprise forte ?

De nombreuses organisations cherchent à promouvoir une culture d’entreprise forte et homogène. En effet, celle-ci permet à la structure non seulement de répondre à ses besoins externes en termes d’image auprès de son environnement, mais également de renforcer et maintenir des relations de travail efficaces en interne.

Certains arguments plaident, à juste titre, pour l’intérêt de renforcer la culture d’entreprise de son organisation. Elle permettrait notamment de renforcer la cohésion, de faciliter le recrutement de candidats correspondant à la culture de l’entreprise, ou encore d’améliorer la cohérence interne.

Néanmoins, on peut également déceler quelques travers possibles. En effet, une homogénéisation trop radicale pourrait entraîner une résistance à la diversité, à la créativité ou à l’innovation en favorisant le conformisme. Elle pourrait également constituer un outil d’emprise sur les salariés en limitant les possibilités d’évolution ou d’intégration sur les personnels ne partageant pas complètement les valeurs de leur organisation.

La co-dynamique de l’intégration

Au-delà de ce modèle, il est commun de penser à l’intégration d’un nouvel arrivant uniquement par son acculturation à la culture d’entreprise. Ce processus risque alors d’être construit comme un formatage du salarié afin qu’il adopte les normes et valeurs de l’organisation.

Cette étape constitue pourtant une occasion réelle pour la structure de bénéficier du regard neuf d’un salarié avec des expériences personnelles et professionnelles différentes qui pourront permettre à l’organisation de développer sa résilience, de se réinventer dans un environnement qui ne cesse d’évoluer constamment.

Ainsi, sans remettre en cause tout le modèle culturel de l’organisation, il peut être pertinent de construire un parcours d’intégration qui permette de transmettre au nouvel arrivant, les clés pour s’approprier progressivement la culture de l’entreprise, sans toutefois brider sa créativité et l’enfermer dans un carcan.

Adapter le parcours d’intégration

A partir de cette réflexion, quelques bonnes pratiques peuvent être promues dans le parcours d’intégration des nouveaux arrivants afin de faciliter leur intégration tout en bénéficiant de leur regard neuf. Ces pratiques peuvent se décomposer en trois temps.

  • Anticipation

Il s’agit de préparer l’arrivée du nouveau salarié en cherchant notamment à transmettre toutes les informations utiles qui lui permettront de mieux appréhender et comprendre la culture de l’entreprise. Dès l’entretien d’embauche et éventuellement lors d’autres entretiens préalables à la prise de poste du nouvel arrivant, il est pertinent de prendre le temps de lui présenter l’organisation mais également de chercher à recueillir ses propres attentes et ambitions concernant le poste. Ces informations pourront, par exemple, permettre de faire évoluer ce dernier.

  • Accueil

A l’arrivée dans l’organisation, il est important de privilégier les temps de familiarisation avec l’environnement de travail (visites des locaux, présentation à l’équipe, etc.) et de continuer à transmettre des informations via différents supports (vidéo de présentation, livret d’accueil, capsules numériques, etc.). Néanmoins, c’est également l’occasion d’interroger le nouvel arrivant par le biais, par exemple, d’un rapport d’étonnement. Il s’agit d’un document écrit qui permet au nouvel arrivant de faire remonter des incompréhensions, de repérer des dysfonctionnements, ou encore de proposer des idées nouvelles. Cela peut aussi être l’occasion d’un échange directement en entretien avec le superviseur du nouvel arrivant.

  • Suivi

Par la suite, des entretiens réguliers permettront de faire un point sur le vécu de son intégration par le nouvel arrivant. Par ailleurs, un management qui privilégie l’autonomie et la responsabilisation permettra de faciliter la force de proposition et par conséquent de bénéficier plus longuement de son regard neuf en minimisant l’effet cadrant d’une culture organisationnelle trop forte. Un binôme sous la forme parrain/marraine entre un nouvel arrivant et une personne dotée d’une certaine ancienneté peut également être une manière de transmettre à la fois une longue expérience au sein de l’organisation, mais aussi de faire évoluer les pratiques professionnelles en interne.

Autre article du Blog QVT sur la même thématique : Gouvernance éthique et pouvoir managérial 

Conclusion

Prendre du recul sur la question de la culture d’entreprise permet de saisir l’intérêt de rester ouvert à la diversité des parcours et expériences. L’intégration d’un nouvel arrivant est une confrontation plus ou moins importante entre des cultures. Progressive, elle pourra permettre une meilleure adaptation et d’éviter une éventuelle dissonance entre attendus et réalité. Par ailleurs, chaque nouvel arrivant possède un bagage qui peut potentiellement aider l’organisation à évoluer pour faire face à ses besoins et aux différents changements de son environnement.

Quelques ressources pour aller plus loin :

Allen, D. G. (2006). Do organizational socialization tactics influence newcomer embeddedness and turnover?. Journal of management, 32(2), 237-256.

Godelier, E. (2009). La culture d’entreprise. Source de pérennité ou source d’inertie. Revue française de gestion, 2, 95-111.

Meier, O. (2013). Management interculturel : Stratégie – Organisation – Performance, 5ed, Dunod, Paris.

Paraire, X. (2015). « Plus d’un tiers des CDI sont rompus avant un an ». Dares Analyses n° 005, janvier.

Schein, E. H. (1985). Organizational culture and leadership. San Francisco, CA: Jossey-Bass.

Fiche pratique de l’Aract Normandie sur l’intégration : file:///Users/victor/Downloads/fiche_integration_salaries_aract_normandie.pdf

Pour aller plus loin, voir également les notions de socialisation organisationnelle et de compétence interculturelle.

Dares Analyses. (2015). Plus d’un tiers des CDI sont rompus avant un an.

 

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