Quelles pratiques implanter pour améliorer durablement la qualité de vie au travail ? L’étude doctorale conduite dans le cadre d’une thèse CIFRE par l’équipe Qualipsy de l’Université de Tours et AD CONSEIL s’est intéressée à la question pour mettre en évidence les systèmes de pratiques organisationnelles vertueuses.
Après un premier opus dédié à ces huit familles de pratiques, nous vous présentons aujourd’hui le second épisode de cette série d’articles consacré cette fois aux résultats d’une étude portant sur les effets de ces pratiques sur le bien-être psychologique des travailleurs.
Comment définir le bien-être psychologique ?
La santé est définie par l’OMS comme « Un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (1948). Cette définition précise ainsi que la santé ne se limite pas à l’absence d’états négatifs mais comprend également la présence d’états positifs. La détresse psychologique et le bien-être psychologique constitueraient donc deux dimensions indépendantes de la santé.
Le bien-être psychologique renvoie donc à la dimension salutogène de la santé. Bien que ce construit fasse débat parmi les chercheurs, nombre d’entre eux s’accordent à dire qu’il y aurait trois formes de bien-être :
- Le bien-être hédonique qui renvoie à la prédominance des affects positifs (ex : joie) sur les affects négatifs (ex : tristesse) et à des évaluations cognitives positives telles que la satisfaction du travail (Bradburn, 1969 ; Diener, 1984).
- Le bien-être eudémonique qui réfère lui au développement de ces capacités, à la réalisation de son plein potentiel et à la volonté d’atteindre l’excellence (Ryff, 1995 ; Waterman, 1993). Celui-ci peut être illustré par le sentiment de croissance professionnelle.
- Le bien-être social qui se définit comme l’appréciation de sa situation et de son fonctionnement dans la société (Keyes, 1998) et peut notamment renvoyer au sentiment d’équilibre entre ses différentes sphères de vie.
C’est ainsi qu’ont été choisi dans ce travail doctoral la satisfaction au travail, la croissance professionnelle et l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle comme indicateurs de ces trois formes de bien-être psychologique.
Quels sont les effets de ces pratiques sur le bien-être psychologique ?
L’étude réalisée, auprès de 400 collaborateurs des secteurs privé, public et associatif, a démontré que ces huit pratiques organisationnelles avaient des effets positifs sur ces trois indicateurs de bien-être psychologique.
Ces premiers résultats peuvent être expliqués à la lumière du Job Demands-Resources model (JD-R) de Demerouti et ses collaborateurs (2001). Celui-ci soutient que l’environnement professionnel est caractérisé par des ressources que ces chercheurs définissent comme des « caractéristiques physiques, psychologiques, sociales et organisationnelles du travail qui facilitent la réalisation des objectifs de travail, atténuent les effets des contraintes professionnelles et les coûts physiologiques et psychologiques associés et stimulent la croissance personnelle, l’apprentissage et le développement ».
Ils ajoutent que les ressources de l’environnement professionnel sont susceptibles d’engendrer, par un processus salutaire, des conséquences positives sur la santé des travailleurs.
Or, parce que ces huit pratiques organisationnelles offrent notamment aux collaborateurs une certaine latitude décisionnelle, des opportunités de développement, des retours positifs sur leur travail et de l’aide pour satisfaire leurs exigences professionnelles et personnelles, elles peuvent être considérées comme des ressources organisationnelles et donc générer des effets positifs sur le bien-être psychologique des collaborateurs.
Quel mécanisme peut expliquer cette relation ?
Cette étude a également révélé que le capital psychologique médiait partiellement les liens positifs entre d’une part ces huit pratiques organisationnelles et d’autre part les trois indicateurs de bien-être considérés (satisfaction au travail, croissance professionnelle et équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle).
En d’autres mots, ces pratiques sont susceptibles de préserver voire de développer les ressources individuelles des collaborateurs (sentiment d’auto-efficacité, optimisme, espoir et résilience ; Luthans, 2002), qui, à leur tour pourraient accroître leur bien-être psychologique au travail.
Ce second résultat peut être expliqué cette fois-ci à la lumière de la théorie de la conservation des ressources de Hobfoll (1989 ; 2011). En effet, celle-ci postule, elle, que les collaborateurs sont naturellement enclins à faire des efforts pour acquérir et entretenir leurs ressources personnelles et que l’environnement professionnel a le pouvoir de soutenir ou de nuire à leur développement. Autrement dit, la préservation et l’enrichissement des ressources personnelles des travailleurs peuvent être favorisés par des conditions de travail qui leurs sont bénéfiques.
Ces ressources personnelles (sentiment d’auto-efficacité, optimisme, espoir et résilience) pourraient ensuite accroître le bien-être psychologique des travailleurs par un processus vertueux qu’Hobfoll appelle « la spirale des gains ».
Conclusion
Les résultats de cette étude révèlent que ces huit pratiques organisationnelles présentent des effets positifs sur le bien-être psychologique des travailleurs et que ces relations sont expliquées en partie par le capital psychologique. Ce travail confirme la conséquente responsabilité de l’organisation professionnelle dans la préservation des ressources personnelles et de la santé au travail des collaborateurs. Le prochain épisode sera consacré aux résultats d’une seconde étude portant sur les effets de ces pratiques sur les attitudes et les comportements des collaborateurs, ainsi que sur l’identification des mécanismes sous-jacents susceptibles d’expliquer ses relations. A bientôt !
L’autrice :
Julia Aubouin-Bonnaventure est docteure en psychologie et ingénieure de recherche en psychologie du travail et des organisations au sein de l’EE 1901 QualiPsy à l’Université de Tours. Son travail de recherche sur les pratiques organisationnelles vertueuses (POV) a été distingué par le Prix de thèse de la Fondation Anthony Mainguené-CIECST en 2022. |
Photo de Ross Sneddon sur Unsplash
Bibliographie
Aubouin-Bonnaventure, J., Fouquereau, E., Coillot, H., Lahiani, F.-J., & Chevalier, S. (2023). A New Gain Spiral at Work: Relationships between Virtuous Organizational Practices, Psychological Capital, and Well-Being of Workers. International Journal of Environmental Research and Public Health, 20, 1823. https://doi.org/10.3390/ ijerph20031823
Bradburn, N. (1969). The Structure of Psychological Well-Being. Chicago: Aldine.
Demerouti, E., Bakker, A. B., Nachreiner, F., & Schaufeli, W. B. (2001). The job demandsresources model of burnout. Journal of Applied Psychology, 86(3), 499–512. https://doi.org/10.1037/0021-9010.86.3.499
Diener, E. (1984). Subjective Well-Being. Psychological Bulletin, 95(3), 542‑575. https://doi.org/10.1037/0033-2909.95.3.542
Hobfoll, S. E. (1989). Conservation of resources : A new attempt at conceptualizing stress. American Psychologist, 44(3), 513‑524. https://doi.org/10.1037/0003-066X.44.3.513
Hobfoll, S. E. (2011). Conservation of resource caravans and engaged settings : Conservation of resource caravans. Journal of Occupational and Organizational Psychology, 84(1), 116‑122. https://doi.org/10.1111/j.2044-8325.2010.02016.x
Keyes, Corey Lee M. (1998). Social Well-Being. Social Psychology Quarterly, 61(2), 121‑140. https://doi.org/10.2307/2787065
Luthans, F. (2002). The need for and meaning of positive organizational behavior. Journal of organizational behavior, 23(6), 695–706. https://doi.org/10.1002/job.165
Ryff, C. D., & Keyes, C. L. M. (1995). The Structure of Psychological Well-Being Revisited. Journal of Personality and Social Psychology, 69(4), 719‑727. https://doi.org/10.1037/0022-3514.69.4.719
Waterman, A. S. (1993). Two conceptions of happiness : Contrasts of personal expressiveness (eudaimonia) and hedonic enjoyment. Journal of Personality and Social Psychology, 64(4), 678‑691. https://doi.org/10.1037/0022-3514.64.4.678
0 commentaires