Santé au travail : quelles compétences doit posséder chaque manager ? 1/4 : pratiques préventives

18 Sep, 2023
compétences managériales santé au travail

En matière de santé et de qualité de vie au travail, la fonction managériale évolue dans un cadre paradoxal. Les managers opérationnels sont les premiers à devoir gérer les problématiques de santé au travail qui ont des conséquences importantes sur leur quotidien (gestion des absences, climat social, motivation, performance, gestion des restrictions d’aptitude, etc). Pourtant, la santé au travail est rarement considérée comme une compétence centrale du management. Les définitions de poste des managers n’intègrent que rarement une rubrique dédiée aux questions de prévention, de santé et de QVT, et la formation initiale et continue des managers en la matière reste au mieux parcellaire, et au pire inexistante.

Soyons clairs, les managers n’ont pas vocation à être des experts de la santé et de la qualité de vie au travail. Les outiller dans ce domaine revient plutôt à leur donner des clés leur permettant d’intégrer les enjeux de santé et de prévention à leur quotidien pour cesser de considérer les contraintes qui y sont liées comme des imprévus ou des aléas et les traiter comme des paramètres prévisibles.

Dans cette série de quatre articles, nous reviendrons sur ces compétences socles que doit posséder tout manager. Ce premier volet est consacré aux pratiques préventives. Le second sera consacré aux pratiques curatives. Nous questionnerons par la suite le climat organisationnel à développer pour que ces compétences puissent s’exprimer de façon effective. Nous reviendrons enfin sur les approches permettant aux managers de se préserver et d’œuvrer en faveur de leur propre qualité de vie au travail. 

Réguler la charge et le rythme de travail

La charge de travail est un des premiers facteurs susceptibles de générer des atteintes à la santé. Réguler la charge de travail implique un management prenant en considération le caractère soutenable du travail et la quantité de travail attribuée à chaque collaborateur.

Pour y parvenir, il est nécessaire que les managers disposent des outils et méthodes permettant d’évaluer la quantité de travail attribuée à chaque collaborateur. Il est aussi nécessaire qu’ils mettent régulièrement en débat le caractère soutenable du travail attribué, et qu’ils soient sensibilisés aux contraintes génératrices d’écarts entre la prescription et le travail réel.

Mais la maîtrise de la quantité de travail n’est pas le seul vecteur permettant de réguler la charge. Dans de nombreuses organisations du travail, malgré une quantité de travail objectivement raisonnable, le rythme  de travail et la charge mentale sont dérégulés du fait de fonctionnements caractérisés par l’urgence et l’immédiateté. Pour pallier ces contraintes, il est nécessaire de développer les compétences managériales de planification et de modélisation du travail. L’objectif est de donner à chaque collaborateur une idée précise du travail à accomplir, mais aussi des clés pour hiérarchiser les demandes et faire la part entre le cœur de métier et les éléments périphériques.

Les managers gagneront par ailleurs à être sensibilisés à la régulation de l’utilisation des TIC (mails, messagerie), notamment lorsqu’elles sont utilisées pour prescrire des tâches.

Structurer chaque volet de la communication managériale

La qualité de la communication managériale est souvent mise en cause dans les organisations confrontées à des risques psychosociaux importants. Et pour cause, la communication des managers est loin d’être une formalité. Il s’agit d’un incontournable qui doit répondre à plusieurs finalités pour préserver la santé et les conditions de travail. Ces finalités peuvent être décomposées selon les niveaux de communication :

  • La communication institutionnelle où le manager est le relais de la gouvernance et où il doit expliquer de façon active les choix stratégiques des dirigeants et leurs conséquences sur le travail de son équipe. Ce niveau de communication contribue à prévenir les risques liés à l’insécurité de la situation de travail.
  • La communication technique, où le manager doit transmettre les outils et méthodes permettant à chacun de ses collaborateurs de réaliser son travail sans ambiguïtés. Ce niveau de communication favorise l’autonomie et la clarté des rôles
  • La communication transversale, où le manager ne communique pas, mais facilite l’échange de ses collaborateurs avec des pairs au sein de son périmètre ou d’autres périmètres de l’organisation
  • La communication ascendante qui vise à relayer les questionnements des collaborateurs vers les interlocuteurs adéquats et à leur apporter des réponses précises.

Mettre en œuvre ces quatre niveaux de communication passe par des compétences et un outillage que l’organisation se doit d’apporter à sa ligne managériale. Cela passe par des savoir-faire comme l’animation de réunions, la structuration d’un schéma de communication ou le développement de systèmes séquentiels de communication.

Motiver et donner du sens au travail

Arlésienne du management, la quête de sens sonne parfois comme un vœu pieux. Il est clair que certains métiers ont des finalités évidentes, là où d’autres pourraient facilement être perçus comme des bullshit jobs.

Donner du sens au travail ne dépend pourtant pas uniquement des tâches accomplies et de leur finalité sociale. Cela tient également à la place que confère le travail à chaque collaborateur au sein d’un collectif capable de se motiver, de s’entraider, et de partager contraintes et réussites. 

C’est là que les managers ont un véritable rôle à jouer. Donner du sens au travail passe ainsi par la mise en visibilité des contributions de chacun au fonctionnement d’un collectif, le développement des compétences, de la confiance en soi et de l’autonomie.

Atteindre ces finalités passe par des compétences et des postures managériales précises, fondées sur des approches dont les bienfaits sont scientifiquement démontrés comme le leadership serviteur ou le soutien de la motivation autonome.

Plus abstraites, ces compétences donnent aux managers l’occasion de reprendre du recul sur leurs postures, leur positionnement, leur aptitude à déléguer et à faire grandir. Les outils de l’analyse de la pratique et du co-développement sont utiles pour soutenir le développement de ces compétences dans la durée.

Poser un cadre, des règles et arbitrer

La qualité de vie au travail est tributaire du caractère prévisible et équitable des règles qui régissent un collectif de travail.

Développer des environnements équitables passe par la formalisation des processus, des règles et des limites qui régissent un collectif de travail. Ce corpus doit être accessible à tous, mais doit aussi faire sens, et par conséquent être régulièrement expliqué et débattu.

La fonction d’arbitrage des managers est par ailleurs essentielle pour maintenir la crédibilité du cadre de travail et des règles le régissant. L’intervention disciplinaire du manager est décisive, particulièrement pour les transgressions légères où la réaction a une véritable portée préventive.   La qualité de ces arbitrages sera jaugée à l’aune de leur impartialité, de leur caractère systématique, et de leur intelligibilité.

Arbitrer des situations complexes est humainement difficile. C’est pourquoi les managers  méritent d’être préparés, formés, et soutenus pour mettre en œuvre ces compétences. Créer des espaces d’échange et de soutien mutuel entre managers de même niveau hiérarchique est également recommandé pour briser l’isolement trop souvent vécu face à ces situations complexes.

Favoriser la participation effective

On ne dénombre plus les doctrines appelant à un « management participatif ». L’expérience démontre en revanche que la participation à la décision doit être maniée avec parcimonie.

Trop de collaborateurs sont aujourd’hui démotivés du fait d’avoir été consultés à propos de sujets où leurs avis et propositions n’ont pas été considérés. D’autres se désengagent du fait d’une forte demande de participation là où ils sont en situation d’exécution et considèrent à juste titre que ces injonctions dépassent leurs attributions.

Favoriser la participation effective signifie tout d’abord, donner une valeur réelle à l’expression des collaborateurs et influer réellement sur le devenir de l’organisation et du travail.

Les managers doivent ainsi penser le cadre de la concertation sur le travail, pour créer les espaces et les marges de manœuvre donnant une prise réelle aux collaborateurs sur leur travail. Il ne s’agit pas de consulter, mais véritablement de co-construire.

Parallèlement, il est nécessaire que les managers soient capables de clarté sur les décisions sur lesquelles leurs collaborateurs n’ont pas de prise, et d’éviter à tout prix de créer des concertations fictives, sources de désillusions.

Ce savoir-faire est tributaire de compétences en conduite du changement utiles aux managers de tous niveaux.

Conclusion

Les pratiques managériales préventives partagées dans cet article sont loin d’être exhaustives. Ce cadre permet toutefois d’initier un questionnement sur ce que doit savoir – et pouvoir – faire un manager pour favoriser durablement la santé, la motivation et le bien-être. Il peut être complété par de nombreux apports des sciences du management et de la psychologie du travail.

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Joseph Lahiani

Fadi Joseph Lahiani

Psychologue du travail et des organisations

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