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Le télétravail est devenu par la force des choses un incontournable dans les entreprises pendant cette crise sanitaire. Brusquement mis en place il y a plusieurs mois pour répondre à l’urgence de la situation, il est voué à être instauré plus amplement et à durer. Les entreprises françaises sont fortement encouragées à aménager des temps en télétravail quelques jours par semaine pour les salariés qui le peuvent. Malgré certaines réticences, il s’impose largement, souvent de façon dérégulée, non sans conséquences sur la santé des télétravailleurs.
Selon l’étude « l’activité professionnelle des Français pendant le confinement » réalisée en novembre 2020 par Harris Interactive pour le ministère du Travail, l’Emploi et de l’Insertion, environ 61% des actifs seraient en télétravail au moins une fois par semaine et 25% d’entre eux disent pouvoir télétravailler tout en exprimant des difficultés.
De plus, selon une enquête de l’ANACT, publiée en mai 2020, près de la moitié des télétravailleurs ont eu le sentiment de travailler plus que d’ordinaire ce qui a entrainé une augmentation de leur fatigue (amplitude d’horaire plus grande, moins de pause, etc.). L’intensification de l’activité dûe au télétravail prolongé accroîtrait ainsi l’exposition aux risques professionnels et en particulier aux risques psychosociaux.
Les conséquences du télétravail sur la santé physique
Parmi les effets du télétravail, on dénombre plusieurs conséquences physiques et en premier lieu la sédentarité ou le manque d’activité physique.
Selon l’OMS, « la sédentarité représente l’un des principaux facteurs de risques de mortalité liée aux maladies non transmissibles » (maladies cardiovasculaires, cancers, diabètes, etc.). Les confinements et la restriction des mobilités ont ainsi fortement diminué le volume d’activité physique naturelle de nombreux travailleurs.
On note également un risque accru de développer des troubles musculo-squelettiques. Même si peu d’études font le lien entre TMS et télétravail, les contraintes posturales et articulaires associées à la sédentarité se combinant avec des lieux d’exercice du travail non pensés pour l’activité professionnelle constituent des contraintes non négligeables dont l’effet usant est certain à moyen et long termes.
L’exposition prolongée aux écrans cause également une fatigue oculaire significative. Selon l’enquête « télétravail et conduites addictive en période de crise » d’Odoxa , plus de 50% des français ont augmenté leur temps passé devant les écrans depuis le début de la crise sanitaire. Cette surexposition à la lumière bleue des écrans peut entrainer un dérèglement de sécrétion de mélatonine et ainsi affecter les cycles du sommeil. Cette même enquête démontre également que les comportements addictifs des français ont augmenté, et notamment leur consommation de tabac ou d’alcool.
Les conséquences du télétravail sur la santé psychologique
Les conséquences d’un télétravail prolongé ne sont, bien entendu, pas que physiques. Il peut également y avoir des effets sur la santé psychologique des télétravailleurs et des effets pervers sur la QVT.
L’augmentation de la charge de travail, les difficultés de conciliation entre la sphère professionnelle et la sphère privée ou encore l’hyperconnexion sont des sujets très souvent abordés lorsqu’on parle de télétravail. D’ailleurs, 61% des télétravailleurs considèrent que le télétravail constitue un risque important d’addiction au travail selon l’enquête « télétravail et conduite addictive en période de crise » d’Odoxa.
De plus, le télétravail réduit indéniablement les relations sociales et les temps d’échange informel qui se tiennent traditionnellement sur le lieu de travail. Ces échanges permettent une expression plus libre et tendent à construire et à réguler les collectifs de travail. Leur disparition affecte le soutien social et le sentiment d’intégration.
La visioconférence en réponse à la crise
L’usage des outils de visioconférences ou de messagerie instantanées a explosé depuis le début de la crise sanitaire. Les manières d’interagir ont été bouleversées.
Les réunions en visioconférences entrainent souvent plus de fatigue sur le plan cognitif et physique que les réunions présentielles. Elles exigent plus de ressources pour pouvoir se concentrer ou se faire comprendre des autres participants notamment avec la diminution voire l’absence de communication non verbale. Il est également souvent plus compliqué de maintenir l’attention des participants car il est plus facile de décrocher lorsque l’on est derrière son écran pour faire autre chose.
Quelles bonnes pratiques adopter pour prévenir les effets pervers du télétravail ?
Pour contrer les effets négatifs du télétravail, il est conseillé de prendre fréquemment des pauses (même courtes d’environ 5 minutes) afin de s’étirer, de bouger ou marcher pour prévenir les douleurs posturales liées à une position assise prolongée. Il est également conseillé de s’éloigner des écrans ou d’alterner les tâches si cela est possible pour éviter la fatigue oculaire.
Il est par ailleurs important de se fixer des horaires de travail, qu’ils soient traditionnels ou adaptés, en fonction de son efficacité, de ses rythmes biologiques ou de ceux de l’entreprise pour se ménager des temps de travail hors périodes de forte sollicitation Le respect de ces horaires contribue à préserver la santé et la sphère personnelle.
A la fin des journées de travail, il est utile de créer un rituel faisant office de « sas de transition » remplaçant le trajet du retour du travail qui permet une transition entre la vie professionnelle et la vie privée. Il peut s’agir de la fermeture ou du rangement de son espace de travail, d’un temps de méditation, d’une séance de sport ou encore d’une balade en plein air : à chacun de trouver un rituel agréable et adapté à son mode de vie.
En télétravail, il arrive également d’être sur-sollicité par les nombreuses notifications (messagerie d’entreprise, mails, téléphone, etc.). Il est donc important de conserver des plages horaires dédiés à l’exécution de tâches de fond en les désactivant, et en définissant collectivement au préalable ce qui peut relever de l’urgence ou non avec vos collègues.
Enfin, pour prévenir les effets négatifs de la visioconférence il est conseillé d’éviter de les accumuler au cours de la journée ou si cela n’est pas possible, d’instaurer des pauses toutes les 1h30 à 2 heures. Pendant ces pauses, il peut être judicieux de couper sa webcam et son micro afin de s’accorder un peu de temps comme si en sortant physiquement D’un temps de réunion ou de formation.
Conclusion
Le télétravail peut exposer à de nombreux risques tant sur le plan physique que psychologique. Les employeurs et encadrants doivent redoubler d’attention afin de préserver la santé des télétravailleurs. Il est donc primordial pour l’employeur de s’interroger sur les modalités de mise en place d’un télétravail soutenable et , de promouvoir les bonnes pratiques individuelles tout en les complétant par un cadre organisationnel protecteur et responsable
Sources
- http://www.a-smt.org/cahiers/cahiers/cahier-37/37-1-06-NP.irruption.teletravail.pdf
- https://adconseil.org/teletravail-prolonge-prevenir-les-effets-pervers-et-preserver-la-qvt/
- https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03113105/document
- https://www.info-socialrh.fr/condition-travail/teletravail/pres-de-la-moitie-des-cadres-ont-du-mal-a-se-deconnecter-en-teletravail-628415.php
- https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapportharris_activite-professionnelle-des-francais-pendant-le-confinement.pdf
- https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity
- https://gaeconseil.fr/wp-content/uploads/2020/04/dossier-de-presse-1.pdf
- https://gaeconseil.fr/wp-content/uploads/2020/11/Livret-Teletravail-et-Pratiques-addictives-en-periode-de-crise.pdf
- https://www.anact.fr/teletravail-en-confinement-les-premiers-chiffres-cles
Auteure :
Anne-Lise CHABOT, psychologue du travail et des organisations, accompagne au niveau organisationnel, collectif et individuel les professionnels en faveur de la prévention et de l’amélioration de la qualité de vie au travail.
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