L’auteure : Nawal OUHMAD est doctorante en deuxième année de psychologie à l’université de Tours (Indre-et-Loire) au sein de laboratoire Psychologie des Ages de la Vie et Adaptation (PAVeA) EA 2114. Elle travaille sur les perturbations psychologiques (cliniques et cognitives) auprès de personnes ayant développé un Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT), sous la direction du Professeur Nicolas Combalbert (laboratoire PAVeA EA 2114, Tours) et du Professeur Wissam El-Hage (UMR 1253, iBrain, Inserm, Tours).
Comment définir le syndrome de stress post-traumatique ?
Un traumatisme psychologique survient lorsque les capacités d’adaptation de l’organisme sont dépassées par la violence d’un événement en tant que victime ou témoin (accident, agressions physique ou verbale, catastrophe naturelle, perte brutale d’un proche…).
L’individu passe alors par plusieurs phases qui le conduisent à un état de stress aigu. Le trouble de stress post traumatique (TSPS) se manifeste lorsque cette phase aiguë se chronicise et devient ingérable pour l’individu. On parle de stress post-traumatique en présence de 3 signes :
1) Les reviviscences : l’individu a la sensation de revivre le ou les traumatisme(s) à travers des souvenirs, des flashbacks, des cauchemars, ce qui va provoquer un sentiment de détresse et des sensations de panique.
2) L’évitement : l’individu va avoir tendance à éviter ce qui pourrait rappeler le ou les traumatismes comme des pensées, des souvenirs, des endroits, des personnes …
3) L’hyperactivation : l’individu se trouve dans un état de vigilance permanent, sur le « qui-vive », ce qui se traduit par des sursauts, de l’irritabilité, des difficultés de sommeil et de concentration.
Les symptômes apparaissent habituellement dans les trois premiers mois après le traumatisme, aussi, il faut être vigilant à propos des signes qui peuvent être nombreux et faire attention à ne pas le confondre avec d’autres pathologies comme le burn-out par exemple. Le burnout – signifiant littéralement « se consumer » – s’accompagne d’un sentiment d’épuisement général et d’une dégradation de l’état général à cause d’une activité trop intense.
Certains symptômes du TSPT, se rapprochent de ceux du burnout, comme les troubles de l’attention ou les troubles du sommeil. La principale différence réside dans le fait que le TSPT survient brutalement suite à un événement particulièrement choquant et traumatisant, là où le burnout s’installe progressivement chez une personne par l’exposition prolongée à des situations de travail trop éprouvantes.
… il n’existe pas une seule façon de vivre un événement potentiellement traumatique, ni une seule de faire face.
Par ailleurs, il y a deux points importants à prendre en considération lorsque l’on vit un événement traumatisant. Premièrement, un même événement n’est pas forcément perçu comme traumatique selon la personne qui le vit. Deuxièmement, des facteurs bien précis et extrêmement variables d’un individu à l’autre entrent en jeu pour prévenir le développement d’un TPST. Ces facteurs relèvent de deux catégories :
1) Les facteurs de risque concernent les antécédents des personnes : comme le fait de présenter des pathologies qui favorables au développement d’un TSPT (anxiété ou dépression), ou le fait qu’une personne ait déjà dans sa vie été victime ou témoin.
2) Les facteurs de protection englobent l’ensemble des éléments qui vont aider une personne à faire face à uns situation traumatisante, à commencer par le soutien social (famille, proche, amis, collègues de travail, etc.).
L’ensemble de ces facteurs démontrent qu’il n’existe pas une seule façon de vivre un événement potentiellement traumatique, ni une seule de faire face. Cela favorise l’idée selon laquelle, nous ne sommes pas égaux face à ces situations. Dans le cas contraire, le diagnostic et le traitement de ces pathologies seraient plus simples et plus rapides.
Quelles situations de travail exposent au stress post-traumatique ?
Dans le contexte lié à l’épidémie de COVID-19, la problématique principale réside dans le fait que l’incertitude ambiante est propice à toutes sortes de pensées dans un contexte renforçant l’isolement ou le travail en situation dégradée et/ou anxiogène. Par son caractère exceptionnel, la situation nous oblige à mettre en place des solutions d’exception.
La crise sanitaire inédite qui touche le pays est à l’origine de multiples situations de travail dégradées qui peuvent également exposer au risque de développer un TSPT.
Le contexte actuel peut également exposer à un risque de TSPT dans la mesure où certaines personnes sont confrontées à des situations exceptionnelles de deuil, de perte ou de séparation auxquelles s’ajoute l’angoisses envahissante liées à la propagation d’un virus médiatisé comme dangereux et mortel.
De plus, en cette période compliquée, rien ne facilite la gestion de stress ou des émotions, comme il aurait été possible de le faire en temps normal.
La crise sanitaire inédite qui touche le pays est à l’origine de multiples situations de travail dégradées qui peuvent également exposer au risque de développer un TSPT : le fait d’être le seul employé d’un service à devoir se déplacer, le fait d’être au contact de personnes à risque, le travail de façon confinée dans des conditions durablement dégradées, ou encore l’incertitude relative à la durée du confinement en font partie.
Quelles mesures organisationnelles ou managériales seraient susceptibles de prévenir le TSPT en milieu de travail ?
Rappelons que l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés. L’employeur doit donc réévaluer les risques régulièrement et faire en sorte que le lieu de travail – télétravail y compris – soit adapté pour la santé physique, mais aussi mentale des collaborateurs.
Le premier réflexe à adopter lorsqu’un collectif de travail est confronté à un événement traumatisant est de proposer à ses membres d’en parler et d’exprimer leurs besoins.
A chaud, chacun va en effet réagir de manière différente. Il faut pouvoir proposer à ceux qui en ressentent le besoin un suivi individuel avec un professionnel de santé qui saura proposer un suivi adapté.
Dans le cadre professionnel les personnes présentant un TSPT peuvent parfois s’absenter de façon prolongée. Elles peuvent également avoir des difficultés à se concentrer, oublier des choses ou devenir irritable sans véritable raison.
Elles peuvent aussi devenir plus anxieuses lorsqu’elles sont confrontées à des déclencheurs qui leurs rappellent l’événement traumatique (un lieu, une sonnerie, une porte qui claque, une odeur …) et vouloir éviter certains endroits ou situations.
Le dialogue dans l’entreprise, reste le meilleur outil pour aider ces personnes, il revêt une importance essentielle surtout en situation de crise. Les professionnels de soutien et les représentants du personnel (délégués du personnel et élus CSE notamment), jouent un rôle particulièrement important dans la sensibilisation et l’orientation des professionnels exposés.
Comment et vers qui orienter des professionnels victimes de TSPT ?
Seul un médecin psychiatre sera en mesure de poser un diagnostic précis et reconnaître la présence d’un TSPT. Les recommandations médicales sur le traitement du TSPT proposent différentes possibilités de traitement qui dépendent exclusivement de la singularité de la personne. Parfois, un traitement médicamenteux est pertinent pour traiter des comorbidités comme l’anxiété ou la dépression.
Deux possibilités s’offrent aux professionnels qui en ressentent le besoin :
1) Le service de santé au travail qui joue un rôle actif dans la prévention, l’accompagnement et l’orientation des salariés. Tout salarié peut ainsi faire la demande d’une visite auprès du médecin du travail.
2) La consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue : ces deux professionnels sont les véritables experts du fonctionnement psychologique humain. Le psychologue est formé à l’analyse et la compréhension de la psychologie humaine ainsi que des facteurs (internes ou externes) qui influencent. Le psychiatre est un médecin spécialisé en santé mentale, il diagnostique, traite et tente de prévenir la souffrance psychique et les maladies mentales. Les personnes qui le souhaitent peuvent s’appuyer sur les conseils de leur médecin traitant pour être orientées vers le professionnel de santé le plus pertinent au regard e leur situation.
En conclusion, et pour le bien-être de tous, nous ne pouvons que conseiller de rester vigilant face aux signes, et surtout ne pas hésiter à consulter des professionnels de santé spécialistes de la question.
0 commentaires