EDITORIAL SEEPH 2025 – Une phrase que beaucoup de femmes et de personnes menstruées ont déjà entendue, souvent lancée pour discréditer une émotion, minimiser une réaction ou tourner en dérision un malaise. Derrière cette banalité se cache une réalité plus large : la santé menstruelle, et plus généralement la santé des femmes, reste encore un tabou dans le monde du travail.
Le corps féminin, loin d’être linéaire, est rythmé par des cycles et des étapes hormonales qui influencent le quotidien : menstruations, grossesse et ses suites, préménopause, ménopause. Chacune de ces phases peut s’accompagner de symptômes physiques et psychologiques qui ont un impact direct sur la vie professionnelle. Fatigue, douleurs, troubles de la concentration, anxiété : autant de réalités souvent invisibilisées, rarement prises en compte, et encore trop fréquemment tournées en dérision.
Parler de santé menstruelle, c’est déjà briser un silence vieux de plusieurs décennies. C’est reconnaître que les corps qui travaillent ne sont pas neutres, qu’ils vivent, saignent, enfantent, vieillissent, et que ces réalités influencent le quotidien professionnel.
Parmi ces expériences, l’endométriose symbolise de façon particulièrement puissante cette invisibilisation : une maladie qui touche des millions de femmes et de personnes menstruées, mais que la société continue trop souvent à réduire à de simples « douleurs de règles ».
À l’occasion de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH) 2025, nous avons choisi de lui donner la place qu’elle mérite. Parce que derrière ce mot encore trop peu connu se cachent des parcours de vie bouleversés, des carrières freinées, et des douleurs que le monde du travail peine à entendre.
Parler d’endométriose, c’est refuser que la souffrance silencieuse reste la norme. C’est aussi ouvrir un espace de dialogue sur la reconnaissance des handicaps invisibles, la place du corps au travail et la nécessité d’un environnement professionnel vraiment inclusif.
Endométriose au travail : sortir du silence, oui mais…
L’endométriose, qui touche entre 10 et 20 % des personnes menstruées en âge de travailler1, reste méconnue et souvent banalisée. Si un tiers des endométrioses se stabilisent, certaines évoluent vers des formes sévères, transformant cette maladie en un véritable handicap au quotidien.
Ses symptômes invisibles — douleurs persistantes, fatigue chronique, impacts physiques et psychologiques — peuvent avoir des répercussions majeures sur la vie professionnelle : absences ponctuelles, difficultés d’aménagement du poste ou encore freins à long terme dans la carrière des femmes concernées.
L’endométriose touche à l’intime, et en parler dans un cadre professionnel reste difficile. De nombreuses femmes concernées n’en parlent pas, freinées par la honte ou la peur d’être stigmatisées.
Grâce au travail acharné d’associations de patientes comme Endomind et de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose, la maladie est désormais mieux connue du corps médical et du grand public. Mais ces actions, aussi essentielles soient-elles, ne suffisent pas à inverser la tendance. L’errance médicale, la difficulté d’obtenir un diagnostic ou une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) demeurent des obstacles majeurs. Le parcours est souvent long et éprouvant : il faut en moyenne sept ans pour obtenir un diagnostic3.
Pourtant, reconnaître et diagnostiquer l’endométriose est une étape clé vers une meilleure prise en compte de ce handicap invisible. Pouvoir évoquer sa maladie avec un diagnostic médical à l’appui crédibilise la parole des personnes concernées et ouvre la voie à davantage d’écoute, d’empathie et de compréhension.
Les préjugés autour des règles, de la fertilité et de la reproduction sont encore nombreux. Les déconstruire permettrait d’offrir à toutes personnes atteintes d’endométriose un environnement professionnel plus juste et plus bienveillant.
L’urgence d’une approche inclusive dans les organisations
La santé menstruelle est un sujet éminemment politique et les gouvernements doivent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration des conditions de vie des personnes en souffrant. Cela passe notamment par le financement de la recherche et la formation du corps médical, mais également par le fait de combattre les stéréotypes de genre à leur racine et de mener de véritables politiques inclusives.
A un niveau plus proximal, les entreprises ont, elles aussi, une responsabilité majeure. La loi française impose à l’employeur de protéger la santé physique et mentale des travailleurs et travailleuses (Code du travail, art. L.4121-1). Pourtant, la santé des femmes et des personnes menstruées reste un angle mort des politiques organisationnelles de prévention des risques et d’amélioration de la qualité de vie au travail. En invisibilisant ces réalités, on renforce des inégalités professionnelles et sociétales : frein à la carrière, désengagement, absences non comprises, culpabilisation.
Garantes des conditions de travail de leurs salariés, les organisations doivent reconnaître la santé au travail comme un droit fondamental. Accueillir la parole, accompagner et adapter le travail n’est ni une faveur ni un privilège accordé à ces femmes : c’est un devoir et une nécessité de faire reconnaître une réalité vécue par des millions de salarié·es.
Ce devoir doit se traduire concrètement par des actions de sensibilisation, la montée en compétences des managers et des équipes RH, ainsi que la mise en place de dispositifs spécifiques au sein de l’entreprise, conçus pour être durables et reconnus.
En mettant en place des mesures d’accompagnement adaptées, l’entreprise ne se contente pas de soutenir ses salariées atteintes d’endométriose : elle réduit le taux d’absentéisme et contribue à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En effet, les salarié·es concernées doivent souvent prendre des congés ou s’absenter pour des rendez-vous médicaux réguliers, parfois imprévisibles.
Ces actions favorisent également l’évolution de la culture managériale vers davantage de flexibilité, d’écoute et d’inclusion, permettant de dire adieu au présentéisme, aux idées reçues et aux pratiques rigides qui pénalisent souvent les personnes confrontées à des maladies chroniques. En anticipant ses besoins et en proposant des aménagements flexibles, l’entreprise permet à ses salarié·es de concilier traitement médical et engagement professionnel.
Agir pour que la santé des femmes ne soit plus un angle mort du travail
Briser le tabou autour de la santé des femmes au travail, c’est reconnaître que l’invisibilité n’est pas une fatalité. L’endométriose, comme d’autres pathologies chroniques féminines, interroge nos représentations du corps, du travail et de la performance. En parler, c’est déjà agir — pour que la douleur cesse d’être minimisée, pour que les parcours professionnels ne soient plus freinés, pour que la santé devienne un véritable levier d’équité.
À l’occasion de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH) 2025, Le Blog QVT organise, en partenariat avec l’association Endomind, un webinaire intitulé : « Santé des femmes mise sous silence : l’endométriose, un handicap invisible ».
Ce temps d’échange sera l’occasion de mieux comprendre cette pathologie, de donner la parole aux personnes qui la vivent, et d’explorer les solutions individuelles et collectives pour construire des environnements de travail plus inclusifs et bienveillants.
📅 Rendez-vous le 18 novembre 2025 à 11h ! Pour en savoir plus, vous inscrire ou accéder au replay (sous inscription) : cliquez ici .
Notes de bas de page
- Ipsos, ”Endométriose & travail : fin du tabou et début d’un new deal ?”, 2023
- Chiffre mesuré par l’enquête EndoVie menée par IPSOS, Gedeon Richter et EndoFrance en 2020

