Si l’implication et la fidélisation des salariés constituent aujourd’hui des enjeux majeurs pour la capitalisation des compétences et la performance des organisations, elle doit être sous-tendue par une relation de qualité entre employeurs et employés. La théorie de l’échange social nous apporte des éléments de compréhension essentiels sur ce sujet.
La théorie de l’échange social
La théorie de l’échange social tend à expliquer comment une organisation du travail peut construire, renforcer et maintenir une relation de qualité avec ses salariés au cours d’un ensemble d’échanges bénéfiques et réciproques entre les deux parties (Blau, 1964). Précisément, l’organisation dispose de plusieurs ressources socio-affectives favorables à l’entretien de cette relation. En voici les trois principales :
Le soutien organisationnel perçu
Le soutien organisationnel perçu englobe les croyances des salariés quant à l’engagement avec lequel l’organisation valorise leurs contributions et prend soin de leur bien-être (Eisenberger et ses collaborateurs, 1986).
Le soutien organisationnel perçu est influencé par la diversité de traitements que reçoivent les salariés de la part de l’organisation et signifie l’importance que celle-ci accorde à leurs besoins socio-émotionnels. Précisément, cette perception subjective se fonde sur les signes de considération et d’intérêt perçus par les salariés pour leurs opinions, leurs buts et leurs valeurs. Aussi, la possibilité de faire appel à son organisation en cas de problème personnel est une illustration de cette notion.
Toutefois, l’effet du soutien organisationnel perçu est réel seulement lorsque les ressources investies sont issues de la seule volonté organisationnelle et non des contraintes extérieures (ex :cadre légal, injonction d’une tutelle, etc.).
La confiance organisationnelle
Dans la relation entre l’organisation et le salarié, chaque partie est dépendante de l’autre. Aussi, la bonne tenue de leurs échanges est possible grâce à la confiance (Rousseau et ses collaborateurs, 1998).
Précisément, la confiance découle de la cohérence perçue des actions passées et de la crédibilité de chacune des parties dans un échange continu. Autrement dit, si l’organisation fait preuve de bienveillance, de compétences, de prévisibilité et d’intégrité de façon récurrente envers les salariés, alors celle-ci apparaîtra fiable et digne de confiance.
La confiance organisationnelle engendre trois bénéfices majeurs :
- Une réduction des coûts par la facilité à prendre des décisions (aussi nommée « heuristique de décision sociale »).
- Une augmentation de la sociabilité spontanée entre les membres (ex : comportements pro-sociaux tels que la coopération)
- Un renforcement de la volonté des salariés de se conformer aux directives et règlements existant au sein des organisations.
L’accomplissement du contrat psychologique
Le contrat psychologique se construit lorsque le salarié intègre l’organisation et suppose un ensemble d’accords, de promesses et d’obligations tacites et réciproques entre les deux parties (Rousseau et ses collaborateurs, 2018). Précisément, pour le salarié, le contrat psychologique est constitué de ce qu’il pense pouvoir recevoir de la part de son organisation (ex : progression de carrière) et de ce qu’il se sent devoir lui apporter (ex : implication au travail). Il dépasse de loin les éléments formels compris dans le contrat de travail.
Il y a brèche du contrat psychologique lorsque le salarié pense que son employeur a manqué à ses obligations, provoquant une altération de la relation. Cette brèche est alors associée à un amenuisement de la satisfaction et l’engagement au travail et un accroissement des comportements contre-productifs et de l’intention de quitter l’organisation.
La norme de réciprocité
Enfin et toujours selon la théorie de l’échange social, lorsqu’une organisation fournit ces trois ressources socio-affectives aux salariés (soutien organisationnel perçu, confiance organisationnelle et accomplissement du contrat psychologique), alors ces derniers éprouvent un sentiment de redevabilité et d’obligation de réciprocité (Gouldner, 1960).
In fine, ils redonneront à l’organisation en étant plus investis et plus performants dans leur travail et en ayant des comportements positifs tels que la loyauté organisationnelle ou encore l’altruisme envers les supérieurs et les collègues.
Conclusion
La théorie de l’échange social nous apporte des clés pour entretenir des relations de qualité essentielles au bien-être des salariés et à la stabilité et à la performance à long terme de l’organisation. Elle permet de prendre du recul sur le contrat moral entre les parties et de mettre en perspective la notion de réciprocité, indispensable pour favoriser une implication durable.
Auteur
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et doctorante en convention CIFRE en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
Blau, P. M. (1964). Exchange and Power in Social Life. New York: John Wiley and Sons.
Eisenberger, R., Hungtington, R., Hutchison, S., & Sowa, D. (1986). Perceived Organizational Support. Journal of Applied Psychology, 71(3), 500‑507. https://doi.org/10.1037/0021-9010.71.3.500
Gouldner, A. W. (1960). The Norm of Reciprocity : A Preliminary Statement. American Sociological Review, 25(2), 161. https://doi.org/10.2307/2092623
Rousseau, D. M., Hansen, S. D., & Tomprou, M. (2018). A dynamic phase model of psychological contract processes. Journal of Organizational Behavior, 39(9), 1081‑1098. https://doi.org/10.1002/job.2284
Rousseau, D. M., Sitkin, S. B., & Burt, R. S. (1998). Not so different after all : A cross-discipline view of trust. Academy of Management Review, 23(3), 393‑404. https://doi.org/10.5465/amr.1998.926617
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