En cette semaine de la QVT « Premières leçons d’une crise », nous avons choisi de vous présenter les ressources psychologiques essentielles à cultiver chez les salariés pour leur permettre de faire face à l’adversité en période de crise telle que la pandémie du COVID-19 et du confinement : le capital psychologique.
Qu’est-ce que le capital psychologique ?
Le concept du capital psychologique a récemment été rapporté dans le monde français par F. Choisay et E. Fouquereau (2020), chercheurs de l’Université de Tours, au travers d’un article dans la revue The conversation .
Il est le résultat synergique des quatre ressources individuelles suivantes (Luthans, 2002) :
L’auto-efficacité : L’auto-efficacité est la confiance d’un individu quant à sa capacité à mobiliser ses ressources et à agir pour mener à bien une tâche spécifique dans un contexte donné (ex : j’ai confiance en mes capacités pour accomplir cette mission). Cette ressource est essentielle dans la mesure où elle influence le choix des activités entreprises, ainsi que l’intensité et la durée des efforts générés dans le temps.
L’espoir : L’espoir est une ressource personnelle permettant de se fixer des objectifs, de se motiver pour les atteindre, d’établir les meilleurs plans d’action pour les accomplir et de trouver des alternatives en cas d’échec (ex : Je peux trouver différentes stratégies pour atteindre mes objectifs). Elle renvoie ainsi à la capacité de « tenir bon » et de ne pas abandonner face à la difficulté.
L’optimisme : L’optimisme induit des attentes positives quant à sa réussite présente et future (ex : Je pense que de bonnes choses m’arriveront sur le plan professionnel). De plus, elle renvoie au fait d’attribuer ses succès à ses efforts et ses compétences personnelles et ses échecs à des causes extérieures.
La résilience : La résilience est une ressource qui permet de se relever et de rebondir face à l’adversité, à l’incertitude ou à l’échec (ex : je peux traverser des épreuves difficiles car j’en ai déjà vécu d’autres). Elle favorise le retour à un état d’équilibre lorsque l’individu est en confrontation avec une menace, un risque ou à un préjudice important. Pour plus d’informations sur la résilience, voir notre article dédié ici.
Le rôle majeur du capital psychologique en temps de crise
Les enjeux associés au capital psychologique en temps de crise peuvent être illustrés par la théorie de la conservation des ressources de Hobfoll (1989). Celle-ci postule que la perte ou la menace des ressources, telle que la sécurité financière, matérielle ou psychologique entraîne un stress et une vulnérabilité chez l’individu. Hobfoll ajoute que dans ces situations de détresse, plus l’individu détient de ressources psychologiques, plus il lui est facile de faire face.
En effet, un salarié ayant un capital psychologique élevé a une meilleure confiance en soi pour contrôler la situation, présente une meilleure résistance au stress, se sent davantage capable de s’adapter et de faire face à l’adversité, est plus optimiste sur le futur et se sent capable de persévérer malgré les difficultés rencontrées.
De plus, une étude réalisée en 2011 sur 12,567 salariés par Avey et ses collaborateurs a soulevé que le capital psychologique était en relation négative avec le stress et l’anxiété et était associé positivement à plus de bien-être, de satisfaction, d’engagement et de performance au travail.
Pour les organisations du travail, ces ressources personnelles des salariés représente donc un avantage concurrentiel majeur notamment dans la mesure où il peut être développé sur le long terme.
Quels axes organisationnels pour favoriser le capital psychologique de ses salariés ?
Plusieurs études scientifiques ont démontré que des formations courtes d’une durée de 2 à 3 heures dispensées aux salariés sur le capital psychologique (ex : prendre conscience de ces ressources, savoir se fixer des objectifs mesurables, apprendre à élaborer des plans d’actions, développer des stratégies pour faire face à l’urgence) optimisait effectivement leurs ressources psychologiques individuelles (Luthans & Youssef-Morgan, 2017).
En matière de pratiques managériales, le leadership éthique des managers a été identifié comme favorable aux quatre ressources psychologiques (auto-efficacité, espoir, optimiste et résilience) des salariés à l’instar du leadership abusif (Avey, 2014). Rappelons qu’un manager éthique est exemplaire, prend des décisions justes et fondées, adopte des conduites éthiques et encourage ses collaborateurs à faire de même, les écoute avec attention et tient compte de leurs intérêts, et qu’un manager abusif fait preuve d’hostilité dans ses paroles comme dans ces actes auprès de ses collaborateurs (ex : humilie, fait preuve d’indifférence, rappelle les erreurs commises, ne donne pas de crédits aux efforts réalisés, rompt ses promesses ou encore fait des commentaires négatifs sur les autres salariés).
Pour en savoir plus, des recherches sont actuellement en cours de réalisation sur l’identification d’autres facteurs organisationnels promouvant le capital psychologique des salariés au laboratoire QualiPsy de l’université de Tours en partenariat avec le cabinet AD Conseil.
Conclusion
Le capital psychologique reste un concept méconnu. Pourtant, il fournit les ressources nécessaires pour faire face et s’adapter dans les périodes de crise telle que la pandémie du COVID-19 et le confinement qui s’en est suivi. Cette période illustre parfaitement la nécessaire considération des ressources psychologiques à développer chez les salariés, car elles représentent un facteur de pérennité pour l’organisation.
Auteur
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et doctorante en convention CIFRE en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
vey, J. B. (2014). The Left Side of Psychological Capital: New Evidence on the Antecedents of PsyCap. Journal of Leadership & Organizational Studies, 21(2), 141–149. https://doi.org/10.1177/1548051813515516
Avey, J. B., Reichard, R. J., Luthans, F., & Mhatre, K. H. (2011). Meta-analysis of the impact of positive psychological capital on employee attitudes, behaviors, and performance. Human resource development quarterly, 22(2), 127–152. https://doi.org/10.1002/hrdq.20070
Choisay, F., Fouquereau, E., & Chevalier, S. (In press). Le capital psychologique : un construit d’intérêt majeur pour les psychologues du travail. Pratiques psychologiques. https://doi.org/10.1016/j.prps.2019.12.001
Hobfoll, S. E. (1989). Conservation of resources: A new attempt at conceptualizing stress. American Psychologist, 44(3), 513–524. https://doi.org/10.1037//0003-066x.44.3.513
Luthans, F. (2002). The need for and meaning of positive organizational behavior. Journal of organizational behavior, 23(6), 695–706. https://doi.org/10.1002/job.165
Luthans, F., & Youssef-Morgan, C. M. (2017). Psychological capital: An evidence-based positive approach. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4, 339–366. https://doi.org/10.1146/annurev-orgpsych-032516-113324
Et pour en savoir plus, une revue de littérature sur le capital psychologique ici
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