Le retour à l’emploi des mères après leur congé maternité soulève plusieurs enjeux majeurs. Afin que la maternité ne soit plus vue comme une contrainte, une transformation culturelle du travail est indispensable. En effet, plusieurs études soulignent l’importance de la communication, du soutien et de la planification de la part des employeurs pour faciliter le quotidien des mères travailleuses. Nous en partageons une synthèse dans cet article.
Le congé de maternité, défini par le ministère du travail comme un temps durant lequel le contrat de travail des femmes est suspendu avant et après l’accouchement, suscite de nombreux enjeux professionnels, sociaux et psychiques. Nowak, Naude et Thomas (2013), trois chercheuses de l’université de Curtin en Australie ont identifié plusieurs problématiques majeures survenant lors du retour au travail des mères dans une étude conduite auprès d’une population de professionnels de la santé, et en particulier :
- L’écart entre les politiques d’employeur affichées et les pratiques managériales réelles
- La flexibilité au travail du conjoint
L’écart entre les politiques d’employeur affichées et les pratiques managériales réelles
Plusieurs employeurs affichent des politiques favorables aux mères de retour à l’emploi. Malheureusement, ces engagements restent souvent peu ou pas appliqués dans les faits. En effet, le management peine à faire preuve de flexibilité pour proposer des horaires adaptés et une organisation du travail facilitant la vie de famille. Pourtant, cette flexibilité s’avère fondamentale pour préserver l’équilibre entre vie professionnelle et familiale.
Au-delà d’un affichage de façade, il est ainsi important d’intégrer aux routines managériales des pratiques concrètes facilitant le quotidien des mères travailleuses à commencer par l’adaptation des horaires, la création de lieux de travail ou d’organisations facilitant l’allaitement ou encore la mise à disposition de solutions de garde d’enfants adaptés aux horaires de travail des mères.
Leur implémentation, fortement souhaitée par les mères, est perçue comme un facteur majeur de flexibilité.
Il s’agit d’une réelle transformation culturelle du lieu de travail où la maternité n’est plus perçue comme une gêne ou une contrainte, mais comme un paramètre à part entière à prendre en considération au quotidien.
Cas particulier de l’allaitement au travail
Il est souvent difficile pour les mères travailleuses d’allaiter de manière prolongée et durable. En 2013, Tsai, chercheuse à l’université I-Shou à Taiwan, démontre que plusieurs facteurs favorisent l’allaitement durable et continu (6 mois ou plus) des mères lors de leur retour à l’emploi :
- Une charge de travail modérée ne dépassant pas 8 heures par jour,
- Des lieux et des temps de pauses consacrés au tirage du lait,
- Un regard favorable de la part des collègues et des managers sur cette pratique et les dispositions qui pourraient la faciliter.
Plus globalement, cette étude souligne l’intérêt de banaliser le débat autour de l’allaitement sur le lieu de travail et de ne pas en faire subir la seule contrainte aux mères qui le vivent souvent de façon isolée et cachée.
A ce titre, le rôle des représentants du personnel est crucial. Il va aussi de leur responsabilité de mettre ces problématiques à l’ordre du jour des négociations pour la création d’avantages sociaux adaptés aux mères travailleuses.
En 2015, Anderson et son équipe de l’université de South Dakota State aux États Unis, ont mis en évidence que la communication interpersonnelle entre les employés et les managers facilite davantage la mise en place effective des politiques d’allaitement. Ce dialogue de proximité s’avère plus efficace que les communications écrites dans les petites entreprises.
Il reste important de noter que plusieurs facteurs dont l’âge, le sexe et la position hiérarchique interfèrent avec cette communication. Bien que prévu par la loi, pour que l’allaitement en entreprise ne soit pas source de gêne ou de tension, il est nécessaire d’entretenir une communication interpersonnelle positive et ouverte sur le sujet.
La flexibilité au travail du conjoint ou de la conjointe
Le deuxième enjeu identifié par les autrices de l’étude renvoie au caractère plus ou moins flexible du travail du conjoint ou de la conjointe de la mère travailleuse. Cette flexibilité est en effet déterminante pour partager la charge générée par la maternité.
Dans une publication parue en 2011, Natalie Skinner et Barbara Pocock, chercheuses à l’université d’Australie du Sud, ont mis en évidence le fait que la flexibilité au travail reste majoritairement recherchée par les mères, ce qui traduit une confusion dans nos représentations entre la maternité proprement dite et la charge domestique qui en découle. Il serait donc primordial de dégenrer la flexibilité au travail afin de contrecarrer ce préjugé.
Conclusion
Le retour au travail pour les mères n’est pas sans enjeux et nécessite des efforts de règlementation, de communication, de planification et de soutien de la part des employeurs.
Plus globalement, la maternité fait partie de ces épisodes de la vie qui restent considérés comme des contraintes dans nos représentations du travail.
Pour bâtir des organisations à visage plus humain, il est nécessaire de banaliser ces situations qui sont tout sauf des imprévus. Il s’agit ainsi de penser des organisations où la vie de famille, l’état de santé ou les priorités personnelles ne doivent plus être perçues comme des freins à la carrière, mais comme des étapes naturelles dans un parcours de vie qu’il est primordial de respecter et qu’il est tout à fait possible d’anticiper.
L’autrice :
Alison Murano est étudiante en Licence 3 de psychologie à l’Université de Paris. Elle souhaiterait s’orienter vers une spécialisation en psychologie sociale. Elle est particulièrement intéressée par les questions d’égalité des genres et par les mécanismes psychosociaux qui les sous-tendent.
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