Certaines organisations vivent parfois des situations de crise qui s’installent progressivement dans la durée. Des tensions interpersonnelles et inter-groupes se développent et des antagonismes puissants viennent s’ancrer dans le quotidien. Il peut s’agir d’oppositions verticales (ex. : salariés / encadrement) ou horizontales (ex. : cœur de métier / fonctions support).
Ces antagonismes, même s’ils se nourrissent de difficultés réelles, sont souvent catalysés par une représentation faussée du travail de l’autre, de son rôle dans l’organisation et des contraintes auquel il fait lui-même face.
Au fil du temps, et lorsqu’elles ne sont pas traitées, ces oppositions finissent par prendre racine dans la culture d’entreprise et sont considérées par les professionnels avec un certain fatalisme. Nous pouvons parler dans ces cas de figure de déviance de la norme, dans la mesure où chacun accepte et banalise peu à peu les tensions, les replis et les dysfonctionnements qu’impliquent ces postures, sans parler de l’impact sur la santé et l’intégrité de l’ensemble des professionnels.
Face à ce type de situation, les approches classiques fondées sur l’investigation et l’identification des risques et des ressources sont souvent inopérantes. En effet, les problématiques internes sont souvent assez bien identifiées par les acteurs internes qui y font face depuis longtemps, sans pour autant arriver à les dépasser.
La persistance de ces difficultés représente même un bénéfice secondaire dans certains cas, dans la mesure où elle préserve une forme de cohésion corporatiste face à des situations agressantes.
C’est pourquoi des méthodologies alternatives, fondées sur la mise en dynamique de l’organisation, doivent être mises en œuvre pour dépasser ces blocages collectifs.
L’écoute ascendante fait partie de ces alternatives.
Principes de l’écoute ascendante
L’écoute ascendante est une démarche d’accompagnement visant avant tout à restaurer le dialogue et le sens de l’intérêt collectif au sein d’un groupe. Il s’agit d’une démarche itérative, qui doit être pilotée de façon paritaire et participative.
La démarche s’articule autour de phases d’écoute collective. Chaque phase vise à identifier des situations de travail problématiques et d’en cibler les causes, puis d’identifier des solutions concrètes.
Les premières phases d’écoute sont réalisées auprès de groupes de travail restreints et homogènes, regroupant par exemple des professionnels d’un même métier ou service habitués à travailler ensemble. Lors de ces premières phases, la parole est relativement libre, mais elle est souvent dominée par l’expression des difficultés et la stigmatisation d’autres groupes.
Les phases suivantes ont ensuite lieu au sein de groupes de plus en plus hétérogènes, afin de reconstruire des espaces de travail mixtes où les professionnels se confrontent, s’écoutent, et réapprennent peu à peu à résoudre les situations problématiques ensemble.
Ainsi, à chaque itération, les situations à problèmes identifiées lors des phases précédentes sont analyses afin de faire émerger des solutions construites collectivement.
L’introduction progressive de la mixité et de la confrontation amène également les professionnels à découvrir réciproquement leurs contraintes, déconstruire leurs représentations négatives préexistantes et tendre progressivement vers un esprit de soutien réciproque.
Pour que la démarche d’écoute ascendante aboutisse à des améliorations concrètes, les propositions d’action issues de chaque phase doivent être validées par un organe de pilotage légitime, représentatif et disposant d’une véritable latitude décisionnelle.
Prérequis et points de vigilance
Les démarches d’écoute ascendante sont par définition déployées dans des environnements de travail dégradés. Elles doivent donc s’accompagner de nombreux points de vigilance.
Premièrement, le cadre déontologique, les objectifs et les limites de la démarche doivent être clairement partagés avec l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les pilotes de la démarche qui s’engagent formellement à les respecter.
Deuxièmement, il est essentiel que chaque phase d’écoute donne lieu à des évolutions tangibles des conditions de travail. Cela n’est possible que l’lorsque l’instance de pilotage de la démarche est réactive et qu’elle a à sa disposition les leviers techniques, humains et financiers.
Il est par ailleurs essentiel que les professionnels externes missionnés pour réaliser l’écoute ascendante soient perçus comme neutres et légitimes par l’ensemble des parties prenantes, ce qui implique des modalités participatives de sélection du prestataire.
Enfin, il est indispensable que les partenaires sociaux s’engagent à mettre de côté leurs oppositions le temps de la démarche et la soutiennent unanimement afin d’inciter l’ensemble des salariés concernés à adopter une posture proactive et constructive.
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