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Vous est-il déjà arrivé d’être surpris par le temps écoulé suite à une grande concentration dans la réalisation de vos tâches de travail ? Avez-vous déjà ressenti des sentiments de plaisir et de maîtrise suite à cet évènement ? C’est ce que les chercheurs appellent « l’expérience optimale », aussi nommée le « flow ». Alors, quels sont ses effets et surtout, quelles sont les conditions de travail nécessaires pour la retrouver ?
Qu’est-ce que l’expérience optimale au travail ?
Introduit en 1975 par Mihaly Csikszentmihalyi, éminent chercheur en psychologie, l’expérience optimale renvoie à « un état de conscience dans lequel les personnes sont totalement absorbées dans une activité et y prennent un plaisir intense » (Csikszentmihalyi, 1997).
C’est une expérience rare de courte durée qui se caractérise par la présence simultanée de trois attitudes :
- Le sentiment d’être totalement absorbé par la tâche de travail. Cela se manifeste par une concentration optimale, par l’impression que le temps défile à toute vitesse et par l’abstraction totale de l’environnement qui est autour.
- Le plaisir et le sentiment d’accomplissement éprouvés au travail. Cela se manifeste par une sensation de réalisation et de maîtrise de l’activité.
- La motivation intrinsèque, c’est-à-dire la tendance à accomplir les tâches de travail pour le plaisir et la satisfaction qu’elles procurent, et non pas pour les avantages extrinsèques qu’elles apportent (ex : salaire, reconnaissance).
Quelles sont les conséquences de l’expérience optimale ?
Des études en psychologie du travail et en science de gestion démontrent que l’expérience optimale est associée à une augmentation du sentiment d’auto-efficacité, des affects positifs et de la satisfaction au travail (Ilies et ses collaborateurs, 2017 ; Salanova et ses collaborateurs, 2006).
D’autres études établissent en complément que plus les collaborateurs vivent cette expérience, plus leurs ressources personnelles permettant de faire face à l’adversité, telles que l’espoir, l’optimisme et la résilience, sont importantes (Zubair et Kamal, 2015).
Les travaux publiés révèlent également que l’expérience optimale est corrélée à une recrudescence de la performance individuelle et collective, et ceci tant au travers des résultats et comportements officiellement requis que des comportements discrétionnaires, c’est-à-dire qui vont au-delà des attendus du poste comme le fait de prendre des initiatives ou de défendre l’image de l’organisation (Aubé et ses collaborateurs, 2014 ; Demerouti, 2006). D’autres travaux mettent enfin en évidence que cette expérience est également un prédicteur de la créativité au travail (Zubair et Kamal, 2015).
Comment accroître la probabilité de vivre l’expérience optimale au travail ?
Les chercheurs s’accordent à dire que le collaborateur a plus de probabilité de vivre cette expérience lorsqu’il a le sentiment que l’ajustement entre ses contraintes professionnelles et ses capacités individuelles pour accomplir le travail est satisfaisant (Bakker, 2008).
Précisément, il est nécessaire que l’activité de travail soit source d’émulation et permette au collaborateur d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences sans générer le sentiment d’être dépassé. A l’inverse, si ce rapport est déséquilibré, le collaborateur peut ressentir de l’ennui (contraintes professionnelles trop faibles) ou un stress élevé (contraintes professionnelles excessives), éludant toute possibilité d’atteindre l’expérience optimale.
Une équipe de chercheurs de l’université de Turin a également publié en 2016 une étude établissant que la probabilité de vivre l’expérience optimale s’accroît également lorsque le collaborateur a suffisamment d’autonomie et de marges de liberté dans son travail (Zito et ses collaborateurs, 2016).
Précisément, il s’agit de la latitude dont il dispose pour décider quand, où et comment réaliser ses missions. Il peut ainsi organiser et planifier son temps de travail, choisir ses méthodes pour accomplir ses tâches professionnelles et prendre des décisions de manière indépendante. Il sera ainsi en pleine maîtrise de son activité.
Enfin, cette étude démontre que l’expérience optimale est accrue lorsque le supérieur exprime son soutien au collaborateur. En effet, si celui-ci a le sentiment qu’il peut compter sur l’aide, l’appréciation et les encouragements de son supérieur, il sera plus aisé pour lui de s’immerger totalement dans la tâche de travail.
Conclusion
Atteindre l’expérience optimale et produire le plaisir et la performance qui en découlent nécessite des conditions spécifiques de travail. Il est important d’ajuster les exigences du poste aux compétences et ressources du collaborateur ainsi que de lui fournir l’autonomie et le soutien nécessaires pour supprimer toute difficulté extérieure susceptible de venir interférer dans la réalisation de ses missions.
Auteure
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et docteure en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
Aubé, C., Brunelle, E., & Rousseau, V. (2014). Flow experience and team performance : The role of team goal commitment and information exchange. Motivation and Emotion, 38(1), 120‑130. https://doi.org/10.1007/s11031-013-9365-2
Csikszentmihalyi, M. (1975). Beyond Boredom and Anxiety: Experiencing Flow in Work and Play, 2nd Edn. San Francisco, CA: Jossey Bass.
Csikszentmihalyi, M. (1997). Finding Flow: The Psychology of Engagement with Everyday Life. New York, NY: HarperCollins.
Bakker, A. B. (2008). The work-related flow inventory: construction and initial validation of the WOLF. J. Vocat. Behav. 72, 400–414. doi: 10.1016/j.jvb.2007. 11.007
Demerouti, E. (2006). Job characteristics, flow, and performance : The moderating role of conscientiousness. Journal of Occupational Health Psychology, 11(3), 266‑280. https://doi.org/10.1037/1076-8998.11.3.266
Ilies, R., Wagner, D., Wilson, K., Ceja, L., Johnson, M., DeRue, S., & Ilgen, D. (2017). Flow at Work and Basic Psychological Needs : Effects on Well-Being: FLOW AT WORK AND WELL-BEING. Applied Psychology, 66(1), 3‑24. https://doi.org/10.1111/apps.12075
Salanova, M., Bakker, A. B., & Llorens, S. (2006). Flow at Work : Evidence for an Upward Spiral of Personal and Organizational Resources*. Journal of Happiness Studies, 7(1), 1‑22. https://doi.org/10.1007/s10902-005-8854-8
Zito, M., Cortese, C. G., & Colombo, L. (2016). Nurses’ exhaustion : The role of flow at work between job demands and job resources. Journal of Nursing Management, 24(1), E12‑E22. https://doi.org/10.1111/jonm.12284
Zubair, A., & Kamal, A. (2015). Work Related Flow, Psychological Capital, and Creativity Among Employees of Software Houses. Psychological Studies, 60(3), 321‑331. https://doi.org/10.1007/s12646-015-0330-x
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