L’e-learning, qui peut se traduire littéralement par « apprentissage en ligne », est une modalité de formation définie par la Commission européenne comme « l’utilisation des nouvelles technologies multimédias de l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage ». De simples ressources mises à disposition des apprenant·e·s à de véritables cours interactifs composés de quiz, de vidéos et autres exercices en ligne, l’e-learning dans les différentes formes qu’il peut prendre a ainsi pour vocation de rendre l’apprentissage quasi-autonome.
Or, si l’e-learning est apparu dès les années 1990 avec la naissance d’Internet et s’est développé timidement depuis le début du siècle, force est de constater que la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 en a permis un essor considérable. Le secteur de la formation continue n’y a pas échappé puisque, face aux risques impliqués par la transmission du virus de la COVID-19, les organismes de formation se sont retrouvés contraints d’adapter leurs formations présentielles en les distancialisant. Dès lors, la formation à distance, dont l’e-learning en est une facette, a vu un développement exponentiel.
Pour preuve, une étude de l’Institut Supérieur des Technologies de la Formation (ISTF) publiée en 2021 et réalisée auprès de 400 professionnel·le·s de la formation révèle que la crise sanitaire a obligé 49,3 % de ces dernier·e·s à basculer leurs formations en distanciel pour répondre aux contraintes sanitaires. Ainsi, à la fin de l’année 2020, 51 % des professionnels disposaient d’une offre de formation majoritairement distancielle ou mixte – c’est-à-dire mêlant les modalités présentielles et distancielle. Cependant, loin d’être un développement transitoire, il s’avère que 89 % des répondant·e·s estimaient vouloir faire évoluer leur offre vers ces modalités même après la crise sanitaire. Notons cependant que cette étude révèle une préférence pour la classe virtuelle, jugée efficace par 85 % des répondant·e·s, plutôt que pour l’e-learning, jugée efficace par 48 à 71 % de l’échantillon – selon le type d’e-learning.
Aussi, face à cet essor de la formation à distance et de l’e-learning dans la formation continue, plusieurs questions peuvent se poser : quels sont les bénéfices de l’e-learning ? Quelles en sont ses limites ? Comment peut-on optimiser l’e-learning afin d’en pallier ses limites ? Sur cette dernière question, nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle que la psychologie peut jouer.
L’e-learning : quels bénéfices ? Quelles limites ?
Si l’e-learning a convaincu tant d’organismes de formation, c’est parce qu’il offre de nombreux avantages. Moins coûteux aussi bien pour les prestataires que pour la clientèle, l’e-learning s’avère également plus pratique à bien des égards. En effet, il permet notamment aux organismes de formation de traiter avec des stagiaires physiquement éloignés, donnant ainsi l’opportunité d’élargir leurs portefeuilles de clients, ou encore de réunir des stagiaires de tous horizons : un bénéfice à la fois pour les prestataires et pour les stagiaires eux-mêmes. De plus, l’e-learning permet de réduire les contraintes logistiques souvent lourdes, telles que la planification des sessions de formation, la réservation de salles, ou encore l’envoi de convocations. Enfin, l’un des bénéfices majeurs de l’e-learning réside dans l’autonomie quasi-totale laissée aux stagiaires, qui peuvent accéder aux ressources pédagogiques n’importe quand, depuis n’importe où. Ce caractère asynchrone de l’e-learning a ainsi l’avantage d’adapter la formation à l’humain et non l’inverse, les stagiaires pouvant alors planifier leurs temps de formation en fonction de leurs contraintes personnelles et professionnelles. Du fait de cette flexibilité, l’e-learning peut également faciliter l’apprentissage en permettant aux stagiaires de revenir à volonté sur des éléments qui n’auraient pas été bien assimilés, ou encore en donnant la possibilité aux formateur·rice·s de suivre l’avancée et les éventuelles difficultés de leurs stagiaires.
Si l’e-learning offre ainsi de nombreux avantages, il ne faut pas pour autant en négliger ses limites. Précisément, l’autonomie offerte aux stagiaires a un revers important : à la différence d’une formation présentielle, l’e-learning ne permet aucun contact avec un·e formateur·rice, ni même avec d’autres stagiaires. Cela représente une limite considérable, puisque cette absence d’interaction ne permet pas aux stagiaires de s’interroger davantage sur le sujet que ce qui est fourni par l’e-learning, de poser des questions au·à la formateur·rice, ou encore de bénéficier des retours d’expérience d’autres professionnels. De ce fait, l’e-learning peut limiter la pleine compréhension du sujet par les stagiaires et in fine l’acquisition des compétences visées par la formation. Outre la compréhension, l’e-learning peut aussi impacter négativement la motivation des stagiaires : dans une formation présentielle, le cadre physique dans lequel se déroule la formation, les échanges permis avec le·s formateur·rice·s et les autres stagiaires, ou encore la visibilité des performances favorisent l’engagement des stagiaires dans la formation, gage alors de motivation. Or, l’isolement induit par l’e-learning n’en permet pas autant.
Une solution permettant de concilier les avantages et les inconvénients de l’e-learning semble cependant exister : celle-ci réside dans le concept d’e-learning préparatoire. L’e-learning permettant d’aborder de manière rapide des notions qui peuvent prendre beaucoup de temps et d’énergie lors de formations présentielles, un bon compromis peut être de concevoir l’e-learning comme un module préparatoire à un temps de formation avec formateur·rice – en présentiel ou en visioconférence. L’e-learning permettrait alors d’aborder certaines notions de base en amont de cette seconde phase, permettant ainsi de disposer de plus de temps pour approfondir certains éléments. D’ailleurs, l’étude réalisée par l’IFTS en 2020 montre que les professionnels de la formation tendent à développer une offre davantage mixte (32 %) plutôt qu’entièrement distancielle (19 %).
Optimiser l’e-learning : vers un psychologue technicien ?
Si nous pouvons ainsi faire le constat que l’e-learning dispose d’avantages et d’inconvénients, nous pensons que cette vision très binaire – qui caractérise souvent l’éternel débat présentiel versus distanciel que la crise sanitaire liée à la COVID-19 a plus que jamais mis en avant – n’a plus vraiment lieu d’être. En effet, force est de constater que les évolutions sociétales actuelles font que l’e-learning prend de plus en plus de place dans le paysage de la formation, ayant convaincu même les clients les plus réticents. De ce fait, la querelle entre les pro- et les anti-e-learning semble vaine, puisque cette modalité de formation devrait inéluctablement s’imposer à tou·te·s dans les prochaines années.
Par conséquent, il semblerait plus judicieux de dépasser le manichéisme classique pour s’intéresser plutôt à la manière dont l’e-learning peut être optimisé afin de pallier ses limites. Pour cela, nous pensons que la psychologie peut jouer un rôle important. En effet, la psychologie est la « discipline qui vise la connaissance des activités mentales et des comportements en fonction des conditions de l’environnement » (Larousse), allant de la psychologie cognitive à la psychologie sociale, en passant par la psychologie de l’éducation ou la psychologie du travail et des organisations. Ainsi, le·la psychologue est expert·e du fonctionnement humain – de ses cognitions à ses comportements. De par ses compétences, il·elle dispose donc de tous les leviers permettant de favoriser aussi bien la compréhension que la motivation des stagiaires qui, comme abordé plus tôt, sont particulièrement impactées par la modalité distancielle. Le·la psychologue s’avère alors un·e professionnel·le particulièrement à même de penser et de concevoir des modules e-learning.
Une fois ce constat fait, se pose néanmoins la question de l’adaptabilité des compétences du·de la psychologue au format spécifique de l’e-learning. En effet, si le·la psychologue a généralement toutes les compétences pour développer et animer des formations en présentiel, ces compétences ne sont pas forcément transférables à la modalité numérique. En effet, créer des modules e-learning nécessite des connaissances spécifiques du fonctionnement humain – comprendre la façon dont les contenus numériques peuvent agir sur le fonctionnement des stagiaires –, voire des compétences plus techniques – maîtriser l’utilisation de logiciels. Ainsi, force est de constater que le·la psychologue formateur·rice aura demain une double casquette d’expert·e de l’humain et de la technique : de quoi remettre quelque peu en cause le contenu de son travail et in fine les compétences nécessaires à sa réalisation.
L’auteur :
Jérémy Thomas est doctorant en Psychologie sociale, du travail et des organisations à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Sa thèse porte plus particulièrement sur la question du télétravail et de ses effets sur le fonctionnement individuel des télétravailleur·e·s (motivation, santé, comportements, équilibre vie privée-vie professionnelle).
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