Ces deux dernières années, de nombreux médias tels que Le Monde, Le Figaro ou encore France Inter ont publié des articles et enquêtes sur une pratique émergente dans les organisations françaises : le hot-desking. Aussi, celle-ci nous questionnaire : qu’est-ce que le hot-desking et quelles sont les conséquences de cette pratique pour les salariés et les organisations ?
Contexte d’apparition et définition
Le hot-desking est un système de gestion qui vise la réduction du nombre de bureaux présents dans l’organisation et la disparition des postes fixes attitrés. Il s’agit d’un partage flexible et aléatoire de l’espace de travail. Aussi, sur le continuum des pratiques de bureau partagé (ex. : télétravail, bureau collectif, coworking et open-space), le hot-desking représente l’extrémité (Morrison & Macky, 2017).
Concrètement, lorsque le salarié arrive le matin au travail, il s’installe sur l’un des postes vacants et ne doit pas y rester trop longtemps (d’où le terme hot pour brûlant). Aussi, ce système de gestion renvoie à l’expression « premier arrivé, premier servi ». Le salarié, aussi dénommé par les médias salarié SBF (sans bureau fixe), est donc en itinérance permanente.
Cette technique de gestion des bureaux est utilisée dans les milieux où les plages horaires de travail sont flexibles et où les salariés sont présents en alternance. Son émergence a été possible grâce la combinaison des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’environnement de travail (ordinateur portable, connexion sans fil, cloud) à des espaces de travail échangeables.
D’après ses promoteurs et les revues grand public telle que Director (2017), cette technique permet de minimiser les coûts liés à l’espace de travail et a priori d’accroître la productivité et la créativité par l’optimisation de la circulation de l’information. Précisément, l’idée qui sous-tend cette pratique consiste à penser que le hot-desking augmente les opportunités de rencontrer une plus grande diversité de collègues, de favoriser les échanges et de faire émerger de nouvelles idées. Si aucune étude scientifique ne prouve à ce jour ces relations de causalité, d’autres en revanche révèlent les conséquences néfastes de ce mode de partage de l’espace de travail.
Des conséquences néfastes pour les salariés, les équipes de travail et les organisations
Tout d’abord, le hot-desking peut induire des incohérences dans la gestion des salariés et des bureaux provoquant de la compétition pour l’espace de travail ainsi que des malentendus et des conflits (Halford, 2004). Typiquement, l’heure d’arrivée au travail peut représenter un avantage considérable pour choisir ou simplement trouver sa place. Or, les salariés ne choisissent pas forcément leurs horaires de travail. Si cette dimension n’est pas prise en compte et se répète, elle peut induire une situation d’injustice sociale.
Cette technique engendre également une dégradation des conditions de travail pour les salariés par l’augmentation de la charge mentale de travail en raison des distractions et du bruit, ainsi que et de l’incertitude (Morrison & Macky, 2017).
De plus, l’accroissement de la flexibilité organisationnelle et de l’utilisation des nouvelles technologies induites par le hot-desking provoque un changement profond dans la structure sociale de l’organisation et disloque physiquement et psychologiquement les salariés, dégradant fondamentalement les relations sociales au travail (Hirst, 2011). Précisément, cette pratique induit une baisse de l’identification au groupe de travail et un accroissement des sentiments de solitude et de marginalisation (Millward, Haslam & Postmes, 2007). Le hot-desking est également à l’origine d’une augmentation de la méfiance envers les autres, et des comportements non-coopératifs et négatifs entre collègues de travail (ex. : critiques, rumeurs ; Morrison & Macky, 2017).
Enfin, le hot-desking induit un grand nombre de conséquences néfastes pour le salarié et notamment une impossibilité à développer une routine, une réduction du sentiment de contrôle, une perte des repères ainsi qu’une dépersonnalisation du poste de travail (Halford, 2004). Or, la personnalisation du bureau a une signification affective pour le salarié car lui permet d’exprimer son identité professionnelle mais aussi personnelle au travers d’objet de référence tels que les photos d’êtres chers, la décoration, les objets personnels ou encore le mobilier de bureau (Morrison & Macky, 2017).
Conclusion
La technique de gestion du hot-desking est souvent considérée comme une approche innovante du management favorable à la performance organisationnelle. A ce jour, les quelques études scientifiques existantes convergent plutôt sur de multiples impacts négatifs sur la santé, la qualité de vie au travail et la performance. Ces résultats mettent en avant l’importance de l’anticipation des conséquences individuelles et organisationnelles de ce type d’évolution qui ne se résume pas à un changement mobilier, mais transforme l’organisation et le travail en profondeur.
Auteur
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et doctorante en convention CIFRE en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
Halford, S. (2004). Towards a Sociology of Organizational Space. Sociological Research Online, 9(1). https://doi.org/10.5153/sro.885
Hirst, A. (2011). Settlers, vagrants and mutual indifference : Unintended consequences of hot‐desking. Journal of Organizational Change Management, 24(6), 767‑788. https://doi.org/10.1108/09534811111175742
Millward, L. J., Haslam, S. A., & Postmes, T. (2007). Putting Employees in Their Place : The Impact of Hot Desking on Organizational and Team Identification. Organization Science, 18(14), 547–559. https://doi.org/10.1287/orsc.1070.0265
Morrison, R. L., & Macky, K. A. (2017). The demands and resources arising from shared office spaces. Applied Ergonomics, 60, 103‑115. https://doi.org/10.1016/j.apergo.2016.11.007
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