En octobre 2012, Marissa Mayer, la nouvelle PDG de Yahoo a instauré une méthode d’évaluation des compétences fondée sur la théorie de la « performance forcée » qui a suscité un réel malaise au sein de la firme qui se veut « numéro un absolu des groupes où il fait bon travailler ».
Qu’est-ce que la « performance forcée »?
La « performance forcée » est un système de management des compétences peu connu en France, mais il est encore utilisé par 5 % des multinationales, même s’il est en perte de vitesse. Il s’agit d’une méthode instauré par Jack Welch qui présida Genéral Electric de 1981 à 2012.
La postulat de la performance forcée est que les compétences d’une population se distribuent selon la loi normale ou loi de Gauss : cette distribution prend la forme d’une courbe en cloche où les individus sont d’autant plus nombreux qu’ils sont proches de la moyenne et inversement.
La performance forcée consiste à appliquer une évaluation des compétences dont l’objectif est de se séparer de façon périodique d’un certain pourcentage des employés les « moins bons ». Dans les années 90, plusieurs grandes organisations, essentiellement aux Etats-Unis, ont ainsi défini un quota annuel de « salariés les moins performants » à licencier. L’objectif de cette méthode est d’améliorer progressivement le niveau global de compétences. Jack Welch imposait ainsi à ses directeurs de division de licencier chaque année les « 10% les moins performants de leurs effectifs ».
Pourtant, le bien-fondé du postulat de la performance forcée a été remis en cause par plusieurs travaux dans les années 2000.
L’impact réel de la performance forcée
La performance forcée a avant tout un impact destructeur sur les soutiens et la qualité des collaborations qui sont capitaux pour la performance durable de l’organisation.
Une équipe du MIT a ainsi démontré que l’évolution des compétences liées à la « pression organisationnelle » générée par les méthodes de performance forcée était totalement contrebalancée par une régression des compétences liées à la motivation.
L’impact à moyen terme de la performance forcée sur le capital global de compétences d’une organisation serait ainsi nul.
Cette même équipe démontré que la performance forcée génère des comportements attentistes de la part des employés et les incite à prendre moins de risques, ce qui nuit à la créativité de l’organisation. Enfin, l’étude démontre que la « performance forcée » incite le management à évaluer positivement des « compétences visibles » au détriment de « compétences de fond ».
Le bien fondé du postulat de la performance forcée
Une équipe de la HRMA a également démontré que la distribution des compétences d’un collectif n’obéissait pas à la loi normale, mais plutôt à la distribution de Pareto qui est totalement différente.
La grande majorité des individus se caractériseraient ainsi par un niveau de compétences très proche, ce qui remet en cause le fondement même de la performance forcée.
Conclusion
Au delà de son caractère néfaste pour la qualité de vie au travail et la performance durable, la « performance forcée » est en un bon exemple de postulat empirique, sans assise scientifique, aveuglément reproduit sans se soucier de sa pertinence ou de son efficacité réelle. Plusieurs de ces « légendes urbaines » des sciences du management ont encore cours dans de nombreuses organisations ou cycles de formation initiale et il importe de rester prudent quant à leur bien fondé.
EN SAVOIR PLUS :
- L’étude du MIT : “Punishing by Rewards : When the Performance Bell-curve Stops Working For You”, Chintan Vaishnav, Ali Khakifirooz (Massachusetts Institute of Technology) et Martine Devos (Bedarra Research)
- L’étude de la HRMA : “The Best & the Rest: Revisiting the Norm of Normality of Individual Performance” Ernest O’Boyle Jr. et Herman Aguinis.
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