De nombreuses études, dont la très sérieuse enquête périodique SUMER mettent en évidence l’impact exponentiel des contraintes de temps, de rythme, et le sentiment de « charge mentale » sur la santé et la qualité de vie au travail des professionnels de tous les secteurs d’activité.
Plusieurs contraintes peuvent ainsi être pointées : l’accélération des rythmes, la demande immédiate (devoir faire ou répondre « pour tout de suite »), l’attention partagée, les interruptions du travail, ou encore la concentration prolongée. Ces contraintes font tache d’huile et polluent aujourd’hui le quotidien de nombreux professionnels, quel que soit leur secteur d’activité ou leur niveau de responsabilité.
Dans le secteur tertiaire en particulier, ces modes de travail empêchent la prise de recul et transforment les journées de travail en suites ininterrompue d’interactions. Les tâches de fond – pourtant à haute valeur ajoutée – sont reléguées aux extrémités des journées, voire sur des temps privés, accentuant le sentiment de surcharge et la contribuant à la diffusion de la sphère professionnelle sur la sphère personnelle.
Ces contraintes peuvent être qualifiées de cognitives dans la mesure où elles mettent à l’épreuve nos processus mentaux.
Les contraintes cognitives sont un véritable facteur d’usure professionnelle. Lorsqu’elles s’installent dans la durée, elles augmentent le risque d’occurrence de nombreuses pathologies somatiques (TMS, maladies cardio-vasculaires, etc.) et psychiques (troubles anxieux, burnout, etc.).
Quelles causes ?
Une corrélation directe peut être établie entre les TIC et les contraintes cognitives. Ces nouvelles technologies ouvrent en effet la voie à l’inflation de la communication et des sollicitations à l’origine de nombreuses contraintes. Il ne s’agit toutefois pas de remettre en cause les outils, qui ouvrent de réelles perspectives, mais plutôt les usages que nous en faisons et le manque de garde-fous organisationnels permettant leur régulation.
Aux TIC s’ajoute la prévalence d’une culture de l’immédiateté dans de nombreuses organisations. Elle est sous-tendue par des déficits dans les compétences managériales de planification, y compris chez les hauts dirigeants. Les prescriptions requièrent souvent des réponses immédiates, et le fait que les gouvernances ne donnent pas l’exemple contribue à normaliser ces comportements.
Mettre des mots sur les contraintes cognitives pour mieux les évaluer
L’évaluation des contraintes cognitives passe avant tout par le fait de les cibler pour mieux les nommer. Dans nos cultures du travail, elles sont étonnamment peu mises en débat malgré le consensus généralisé sur leur impact
Il est ainsi utile de différencier :
- Les contraintes de rythme (demande immédiate, interruptions, etc.),
- Les contraintes liées à la quantité d’information à traiter,
- Les contraintes liées à la mobilisation attentionnelle (concentration prolongée, attention partagée, etc.)
- Les contraintes liées à l’intégration d’informations (dossiers multiples à gérer en même temps, arbitrages complexes, etc.).
Une fois isolée, chaque contrainte peut ensuite être évaluée selon deux gradients :
- Un gradient de fréquence, caractérisant la durée d’exposition à chaque contrainte rapportée au temps de travail global
- Un gradient d’intensité, plus subjectifs, pouvant être déterminé par un jeu de regards croisés sur chaque contrainte
Quelles mesures de prévention ?
La réduction des contraintes cognitives passe par des solutions de bon sens, qui contribuent autant à la qualité de vie au travail qu’à la performance collective.
Les politiques de régulation des TIC jouent un rôle de premier plan dans la mesure où elles agissent sur les comportements individuels et collectifs à l’origine de nombreuses situations à risque.
Les compétences de planification et d’anticipation sont également cruciales. Il est ainsi indispensable de doter le management des outils, des méthodes et des postures permettant d’anticiper les flux de travail et de donner de la visibilité aux subordonnés sur ce qui est attendu d’eux, suffisamment en amont, afin qu’ils puissent planifier harmonieusement leur charge de travail. Sur ce point particulier, l’exemplarité des gouvernances est indiscutable.
Enfin, le recours au télétravail comme un temps « soupape » , permettant de se consacrer à des tâches de fond à l’abri des sollicitations, représente un levier intéressant. Cela est d’autant plus le cas lorsque les schémas de déploiement du télétravail sont construits sur la base d’une analyse des tâches éligibles, permettant aux professionnels de constituer le contenu de leurs temps de télétravail à la carte, et en le considérant comme un véritable temps de déconnexion.
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