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La qualité de l’accompagnement proposé aux salariés s’estimant victimes de harcèlement dépend souvent des premiers échanges déterminants que la personne aura avec son entourage professionnel proche. C’est le plus souvent à ces proches que les personnes fragilisées par une situation professionnelle feront part de leur mal-être et des facteurs qui en sont à l’origine.
Par conséquent, l’accueil que nous sommes tous susceptibles de réserver à un collègue exprimant une difficulté de cet ordre pourra avoir une incidence importante sur le devenir de sa situation, sa santé, voire sur son contexte professionnel et celui de ses collègues.
Dans cet article, nous détaillons ainsi les conduites à tenir face à ces situations.
1. Ecouter et rassurer
La question dans un premier temps n’est pas de juger si la situation relève du cadre strict du harcèlement, mais de faire preuve d’écoute pour que la personne en difficulté se sente soutenue et moins isolée. Elle est probablement en souffrance et a avant tout besoin d’une écoute bienveillante et de réconfort.
Le fait d’en parler lui a sûrement coûté un effort assez important. Par conséquent, il est essentiel de ne pas réagir de façon à lui faire regretter sa démarche en ne prenant pas le temps de l’écouter, en minimisant les faits ou en contredisant sa version ou son analyse. Ces attitudes renforcent l’isolement et provoquent la fermeture et découragent les personnes en souffrance à faire état de leurs difficultés. Prendre le temps d’écouter et de comprendre, sans juger ni réagir de façon immédiate est essentiel.
Assurez-la de votre discrétion, qu’elle sache que ce qu’elle vous communique restera confidentiel si elle le souhaite, à condition bien sûr qu’elle ne vous semble pas être mise en danger par la situation : il ne s’agit pas de vous retrouver vous-même en difficulté face au dilemme de devoir ou non révéler son témoignage à d’autres acteurs de l’organisation.
Il est par ailleurs important de respecter les choix de la personne quant au fait de rendre ou non publique la situation. Il est cependant essentiel de s’assurer que la personne ne court aucun danger immédiat. La juste posture est ainsi de la déculpabiliser et de la rassurer en lui expliquant que de nombreux relais internes sont susceptibles de l’aider tout en préservant la confidentialité des informations.
Pour cette raison il est important de l’informer rapidement des actions que vous êtes en mesure d’engager ou de soutenir et de celles qui ne relèvent pas de votre champ de compétences ou de votre rôle dans la structure. Vous commencerez ainsi à sensibiliser votre collègue à la nécessaire implication d’acteurs clés dans la résolution de son problème.
2. Aider à comprendre
Dans un second temps, une fois le cadre de l’échange bien posé il sera possible de l’approfondir pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants. Quels faits font penser à votre collègue qu’il est victime de harcèlement? Quand les faits se sont-ils déroulés ? Qui en seraient les auteurs ?
Cette démarche de questionnement permettra à la personne d’exprimer son vécu. Elle l’aidera probablement à prendre du recul sur ce qu’elle vit, à mieux organiser sespensées ainsi qu’à resituer spatialement et temporellement les évènements qui l’ont amené à son état de souffrance.
Rappelons que le qualificatif de harcèlement moral a été vulgarisé de façon parfois abusive et est souvent utilisé dans des significations dépassant largement sa définition légale stricte. La notion de harcèlement est ainsi souvent utilisée pour qualifier des pressions, des tensions ou des situations de violence au travail.
Cela ne signifie pas qu’une plainte ne relevant pas strictement du harcèlement manque de légitimité ou ne mérite pas d’être recueillie.
Le fait que votre collègue ait une idée précise de ce qui relèverait ou non du harcèlement moral lui permettra de mieux envisager les suites à donner, qu’il soit conforté dans sa première analyse des faits ou qu’il considère désormais son problème sous un autre angle. De plus, quelles que soient ses conclusions sur la qualification des faits, cet échange lui aura sans doute permis de mettre de l’ordre dans ses idées et de ne plus se considérer comme la victime passive d’actions externes, mais plutôt comme un sujet actif en capacité d’agir sur son environnement.
Toute expression de souffrance au travail mérite d’être traitée et prise en charge.
Même s’il est utile de rappeler à la personne ce qui relève du harcèlement au regard du droit, il est tout aussi important de lui expliquer qu’une situation de travail portant atteinte à sa santé ou son intégrité n’est pas acceptable et que son signalement demeure légitime. La situation qu’elle vit pourrait en effet relever des obligations en matière de santé et de sécurité incombant à l’employeur.
- la répétitivité des agissements,
- la dégradation des conditions de travail qui en découle et les conséquences potentielles ou effectives de ladite dégradation.
Par ailleurs, à la différence du droit pénal, le droit du travail n’exige pas de démontrer l’existence d’un élément intentionnel pour caractériser les faits. Autrement dit, l’absence d’une volonté caractérisée de nuire ne suffit pas pour dédouaner une personne ou un groupe mis en cause.
3. Orienter
Le recueil d’une plainte n’est qu’une première étape dans un processus où il est urgent d’inciter la personne en détresse à prendre contact avec les acteurs légitimes susceptibles de lui apporter une aide concrète : médecin du travail et autres professionnels de soutien (assistante sociale, psychologue du travail, etc.), service des ressources humaines, représentants du personnel , hiérarchie ou encadrement. Chacun de ces acteurs est susceptible d’apporter une aide, mais leur capacité à agir et leur légitimité est très variable d’une situation à l’autre. Il est ainsi nécessaire de rappeler ce champ des possibles à la personne et de la laisser choisir les relais internes qui la rassureront le plus. Dans tous les cas, il sera utile de recommander à la personne de caractériser sa saisine et de l’accompagner d’éléments traçables.
En cas de grande détresse, il est également utile de conseiller à la personne de se rapprocher de son médecin traitant qui pourra l’orienter vers des soutiens psychologiques adaptés.
Enfin, il peut être utile de rappeler que de nombreuses associations proposent une aide psychologique et juridique.
Dans l’éventualité où la personne refuserait de faire appel à ces ressources, et où la situation ne semble pas représenter un danger grave et imminent, il est possible de rester à son écoute tout en lui rappelant que seuls les acteurs internes légitimes cités précédemment ont le pouvoir d’agir. La prise de décision est parfois difficile et peut prendre du temps. L’enjeu pour un écoutant est ainsi d’apporter le soutien nécessaire tout en incitant à agir plutôt que de se positionner en palliatif à l’action.
Contact utile :
- Association France Victimes
- Site internet : https://www.france-victimes.fr/
- Numéro d’aide aux victimes : 116 006 (service et appel gratuits 7j/7)
Auteur : Michel Chambon, Psychologue du travail et sociologue
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