Qui se ressemble s’assemble ?
Au travail, les interactions entre professionnels sont cruciales. Certes, les personnes se rapprochent et se regroupent de fait selon la structuration de l’organisation et le positionnement de leurs bureaux. Mais la recherche scientifique a démontré qu’au-delà de simples caractéristiques démographiques (par ex., âge, classe sociale) ou d’intérêts communs (par ex., pratique des mêmes activités de loisir), les regroupements sociaux s’opèrent davantage en fonction d’états psychologiques proches (par ex., valeurs personnelles, dépression, joie).
Ainsi, des travaux récents menés par des chercheurs californiens ont démontré que les personnes qui partagent des niveaux semblables de bien-être au travail sont plus enclines à se socialiser entre-elles. Plus précisément, ces travaux attribuent ces rapprochements à deux phénomènes :
- L’homophilie : le processus via lequel des personnes semblables s’attirent entre elles, davantage que les personnes moins similaires. En bref, il s’agit d’un phénomène d’attraction mutuelle.
- La contagion émotionnelle : le processus via lequel des personnes deviennent plus semblables au plan émotionnel au fur et à mesure qu’elles interagissent, en conséquence directe de leur interaction sociale. En bref, il s’agit d’un phénomène de propagation automatique et inconsciente des émotions.
Contagion entre collègues
Au-delà de la contagion émotionnelle, des études démontrent que les états psychologiques au travail sont contagieux entre collègues. Par exemple, dans le cadre d’une étude conduite auprès d’infirmières de différents pays d’Europe, des chercheurs ont démontré que les plaintes de burnout des collègues était un puissant prédicteur du burnout au niveau individuel, indépendamment des contraintes professionnelles existantes.
Une autre étude menée par une équipe néerlandaise auprès d’enseignants a démontré que les enseignants qui discutaient fréquemment avec leurs collègues en état d’épuisement professionnel étaient plus enclins à adopter les attitudes négatives exprimées par leurs collègues. Là aussi, les chercheurs avancent la piste explicative d’un mimétisme social inconscient, qui se produit au fil d’interactions fréquentes au cours desquelles les professionnels finissent par imiter les expressions physiques d’épuisement émotionnel et de fatigue physique de leurs collègues.
Contagion entre niveaux hiérarchiques
Si les états de santé psychologique se propagent entre collègues, les états de santé des supérieurs hiérarchiques ont également un impact sur la santé des professionnels qu’ils encadrent. À titre d’exemple, une récente étude menée en Allemagne a mis en évidence que l’engagement au travail des managers augmentait la qualité de la relation manager-collaborateur, cette dernière accroissant à son tour l’engagement au travail des collaborateurs.
D’autres travaux mettent en évidence des mécanismes ascendants et démontrent que les états de santé des professionnels influent sur ceux de leurs supérieurs. Plus précisément, en Allemagne et en Suisse, des chercheurs ont démontré que l’engagement au travail des collaborateurs avait une influence significative sur l’engagement au travail de leurs supérieurs huit mois plus tard, indépendamment de l’ancienneté de la relation manager-collaborateur ou des contraintes et ressources de travail.
Ces travaux soulignent ainsi que les collaborateurs influencent l’expérience professionnelle de leurs supérieurs, et encouragent à sortir d’une logique descendante voire attentiste lorsqu’il s’agit de qualité de vie au travail, en adoptant une approche plus intégrative de ces questions.
Pour conclure
L’ensemble de ces travaux confirment que la santé au travail est bien l’affaire de tous et ne se réduit pas à un enjeu individuel qu’il suffirait de traiter au cas par cas. Au contraire, ces études scientifiques montrent que bien-être et mal-être au travail sont des enjeux pour les équipes et les organisations, et soulignent les bénéfices potentiels d’interventions socio-psychologiques au niveau organisationnel prenant en considération l’atmosphère et les dynamiques interpersonnelles au sein des équipes de travail.
Quelques références
Bakker et al., 2005 ; 2006
Chancellor et al., 2017
Gutermann et al., 2017
Wirtz et al., 2017
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