Si les chercheurs en psychologie du travail tentent, depuis des décennies, d’identifier des causes organisationnelles, managériales ou individuelles expliquant l’impact de l’environnement professionnel sur la santé des individus, il n’en oublient pas pour autant un facteur central : le travail en tant que tel.
Comment appréhender les caractéristiques du travail ?
Les caractéristiques du travail sont ces composantes mêmes de l’activité professionnelle et s’avèrent être des déterminants importants de la santé psychologique des travailleurs.
En effet, la théorie des caractéristiques de l’emploi (la plus étudiée depuis les années 1970) propose que la motivation et la satisfaction des individus dépendent de trois états psychologiques critiques : le sens du travail, la responsabilité des résultats du travail, et la connaissance de l’aboutissement de l’activité professionnelle.
Ces états psychologiques critiques seraient permis par la juste manipulation des caractéristiques du travail qui se regroupent en quatre catégories.
Quatre catégories de caractéristiques du travail.
La première catégorie renvoie aux caractéristiques de la tâche, à la manière dont le travail est accompli, c’est à dire à la nature et l’étendue de la tâche professionnelle (ex. : variété des tâches, autonomie, sens de la tâche).
La seconde fait référence aux caractéristiques de connaissances, c’est à dire aux connaissances, compétences, et habiletés requises pour accomplir le travail, elle compte par exemple la résolution de problèmes ou la spécialisation.
La troisième catégorie renvoie aux caractéristiques sociales de l’emploi, telles que le soutien social, l’interdépendance ou les retours sur le travail.
La quatrième catégorie quant à elle concerne les caractéristiques contextuelles telles que la composante ergonomique du travail ou encore le matériel mis à disposition pour l’activité.
Enrichir le travail pour améliorer la santé psychologique des professionnels…
Parce qu’elles permettent d’enrichir le travail en s’opposant à la monotonie ou au manque de sens de l’activité professionnelle et en responsabilisant les individus, ces caractéristiques ont communément été étudiées pour leur caractère motivationnel.
Il a ainsi été démontré que ces caractéristiques du travail, parce qu’elles sont positives, sont associées à des résultats bénéfiques en termes de santé psychologique comme par exemple la satisfaction au travail ou des indicateurs de bonheur.
A l’inverse, ces caractéristiques, lorsqu’elles sont absentes ou trop peu développées, altèreraient la santé psychologique des travailleurs en générant par exemple de l’anxiété au travail, du stress ou de l’épuisement émotionnel ; dans ce cas, elles sont également associées à l’absentéisme.
La recherche porterait donc à enrichir au maximum le travail en renforçant l’ensemble de ces caractéristiques afin d’influencer positivement la santé psychologique des individus au travail.
…jusqu’à un certain point seulement !
Toutefois, quelques recherches démontrent que ces liens s’avèrent plus complexes qu’ils n’y paraissent. En effet, des chercheurs ont démontré qu’il y aurait un niveau optimum d’enrichissement de la tâche et c’est seulement ce niveau qui permettrait d’influencer positivement la santé psychologique des travailleurs. En d’autres termes, non seulement en deçà , mais également au delà de ce degré optimum, les caractéristiques du travail auraient un impact négatif sur la santé à la fois psychologique et physique des individus. Il a ainsi été démontré que des caractéristiques de la tâche trop peu développées ou trop renforcées sont associées à une diminution du bien-être ou de la satisfaction et à une augmentation de l’épuisement émotionnel, de l’anxiété et même de l’obésité.
Des résultats valables pour le secteur sanitaire, social, et médico-social.
La première étude de notre enquête nationale sur la santé et la qualité de vie au travail menées auprès de professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social confirme et étend ces résultats.
En effet, les caractéristiques de la tâche mais également les caractéristiques de connaissances présenteraient un niveau optimum bénéfique. En dessous de ce niveau optimum, un manque de sens du travail et une certaine monotonie altèrent la santé psychologique des individus ; mais également au dessus de ce niveau optimum les individus se sentent sur-responsabilisés et sur-sollicités ce qui puise également dans leurs ressources.
Plus précisément, chez les travailleurs du secteur sanitaire, social, et médico-social, notre étude démontre qu’en deçà et au delà d’un niveau optimum, les caractéristiques du travail sont associées à un accroissement des affects négatifs et augmentent le besoin de récupération des professionnels.
Ces résultats encouragent à recueillir les perceptions des professionnels quant à leurs caractéristiques de travail afin de pouvoir ajuster ces dernières, de telle sorte qu’elles correspondent à niveau modéré et optimum. Ce niveau optimum permet d’améliorer la santé psychologique des individus et ainsi d’éviter les conséquences négatives associées aux affects négatifs et au besoin de récupération.
Il a en effet été démontré que ces deux indicateurs entrainent une performance réduite ainsi qu’une plus forte rotation du personnel (turnover), de quoi inciter à réévaluer le contenu et l’organisation du travail.
Nos articles en lien avec ce sujet :
Focus : la théorie de la préservation des ressources
Focus : les émotions en contexte professionnel
Focus : le besoin de récupération
Quelques références :
Binnewies, Sonnentag, & Mojza, 2009
Demerouti, 2006
Hackman & Oldham, 1975
Humphrey, Nahrgang, & Morgeson, 2007
Judge, Bono, & Locke, 2000
Morgeson & Humphrey, 2006
Taylor & Pillemer, 2009
Väänänen et al., 2003
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