De nombreuses organisations s’engagent aujourd’hui dans d’importantes démarches d’évaluation et d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Ces dernières sont souvent conduites aux côtés de tiers externes (consultants, partenaires institutionnels experts, etc.).
Elles suscitent en général un enthousiasme important lors de leur lancement, mais aussi de très fortes attentes, dépassant parfois le champ des possibles.
Ces attentes sont à la mesure de la désillusion collective lors de la conclusion de certaines démarches, lorsque les différentes parties prenantes de l’organisation prennent conscience de l’écart entre leurs attentes initiales et les mesures d’amélioration mises en œuvre.
Au regard de ce constat malheureusement récurrent, il est légitime de questionner l’efficience de certaines approches de l’amélioration de la qualité de vie au travail. Plusieurs biais méritent ainsi d’être mis en lumière.
Quels biais éviter ?
L’immense majorité des démarches d’évaluation et d’amélioration de la QVT est fondée sur des méthodologies de type diagnostic. Le matériau de départ provient d’une évaluation quantitative et/ou qualitative des perceptions intrinsèques des collaborateurs (« ce que je ressens au travail »). Ces méthodes questionnent peu les collaborateurs à propos des dispositifs internes existants, de leurs degrés de liberté pour les faire évoluer ou des bonnes pratiques qu’ils ont pu observer ou mettre en œuvre.
Les méthodologies de type diagnostic reposent par ailleurs souvent sur un pilotage très centralisé (COPIL, groupe de travail pluridisciplinaire, etc.).
Ce schéma de pilotage implique que la démarche QVT repose sur la compétence et la mobilisation d’un nombre réduit d’acteurs. Les autres parties prenantes de l’organisation sont de facto mises dans une position attentiste et peu proactive. Elles s’expriment sur leur vécu puis attendent qu’un plan d’amélioration soit défini en leur faveur.
Le fait que les mesures d’action soient souvent identifiées par les pilotes centraux d’une démarche QVT conduit fatalement à l’émission de préconisation globales et, dans une certaine mesure, stéréotypées. En dépit de la bonne volonté des pilotes, ce mode de pilotage nourrit l’idées d’améliorations « qui viennent du haut », peu en prise avec la réalité du travail.
Le caractère descendant des démarches de type diagnostic renforce le manque de proactivité de l’ensemble des parties prenantes.
Construire des alternatives pour dynamiser l’amélioration de la QVT
C’est au travers du renouvellement des représentations, des méthodes et des approches que les écueils que nous énumérons peuvent être dépassés. Quatre idées directrices méritent à ce titre d’être développées.
Affirmer une vision où la QVT est l’affaire de tous
Certes, une forte volonté d’employeur reste le prérequis indispensable à la mise en œuvre d’une démarche durable d’amélioration de la QVT. La volonté d’employeur à elle seule n’est cependant pas suffisante.
Chaque acteur, à son niveau, est susceptible de contribuer au débat collectif sur les améliorations à apporter, puis à l’identification et à la mise en œuvre d’améliorations.
Il est donc nécessaire de renforcer les discours institutionnels soutenant cette notion de responsabilité collective pour faire évoluer les représentations où la QVT est encore trop perçue comme une affaire d’experts.
Outre les discours, les organisations du travail doivent dépasser les déclarations d’intention et formaliser le rôle que chaque acteur doit jouer dans le cadre de l’amélioration de la QVT, du haut dirigeant au simple collaborateur, afin de renforcer cette notion de responsabilité collective.
Sortir du mode projet et évoluer vers des approches intégratives
Les démarches d’amélioration de la QVT revêtent encore un caractère exceptionnel et sont conduites en mode projet sur des durées limitées. Elles mobilisent beaucoup de temps ou d’énergie pour des résultats paradoxalement décevants.
Or, l’expérience démontre que les améliorations tangibles et durables de la qualité de vie au travail sont plutôt le fruit d’un travail quotidien, proche du terrain, où les conditions de travail sont placées au cœur du modèle économique et organisationnel de l’entreprise.
Autrement dit, plutôt que mettre en œuvre des démarches projet importantes conduites en marge des fonctionnements habituels, il serait parfois plus profitable d’intégrer l’amélioration durable de la QVT dans les routines de l’organisation.
L’intégration d’un axe QVT aux projets stratégiques d’employeur, le fait d’évoquer les conditions de travail dans le cadre de chaque réunion institutionnelle ou l’intégration d’un volet QVT aux démarches qualité sont des exemples de ces routines bénéfiques à long-terme.
Faire évoluer les grilles de lecture de la QVT
Il est indispensable de faire évoluer les grilles de lecture de la QVT pour dépasser le simple recueil de perceptions et questionner les salariés à propos des bonnes pratiques existantes ou connues dans le passé, des améliorations qu’ils proposent et des priorités qu’ils identifient. Le simple fait changer la façon d’aborder la QVT a une influence considérable sur la perception des collaborateurs et les met d’emblée dans une posture proactive.
Mettre en débat les pratiques internes permet également d’aborder la QVT de façon plus apaisée, en étayant les discours par des faits plutôt que d’opposer les ressentis.
Plusieurs approches méthodologiques offrent des alternatives satisfaisantes permettant de remettre les pratiques au centre du débat comme les méthodes de « situations problèmes » promues par l’ANACT, les groupes de rencontre du travail, ou les méthodes d’évaluation fondées sur des référentiels d’action à l’image de démarches qualité.
Privilégier les approches ascendantes
Les approches descendantes brident le caractère concret et participatif des démarches QVT. A l’inverse, les démarches ascendantes où les propositions d’amélioration partent du terrain et remontent progressivement vers les organes de pilotage favorisent la créativité, l’émulation et la proactivité.
Dans les grandes organisations en particulier, il est recommandé de structurer des démarches où l’unité de travail est le lieu d’identification, d’implantation et d’expérimentation des améliorations.
Dans ce type de configuration, les organes de pilotage sont dédiés à la valorisation la capitalisation et la diffusion des bonnes pratiques, soutenant ainsi des dynamiques où l’amélioration vient des acteurs qui en bénéficient.
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