On entend par situation à caractère traumatisant toute situation où l’individu est confronté, directement ou en qualité de témoin, à un fait inattendu mettant brutalement en danger son intégrité physique ou psychologique.
Plusieurs situations professionnelles peuvent revêtir un caractère traumatisant : l’exposition à des violences, le fait d’être témoin d’accidents graves ou encore la perte d’un collègue en sont des exemples.
Ces situations sont très documentées dans certains milieux professionnels comme les forces armées, le secteur ferroviaire ou les pompiers. Elles sont par contre peu étudiées et moins bien prises en charge dans d’autres secteurs où elles sont pourtant fréquentes (action sociale, transports en commun, industrie, logement social, maintenance autoroutière, etc.).
Malgré leur caractère exceptionnel, ces situations sont prévisibles. Sur une temporalité longue, tout collectif de travail peut y être ponctuellement exposé.
Quelles conséquences sur la santé ?
L’exposition à des situations à caractère traumatisant peut avoir des conséquences importantes sur la santé des individus.
Plusieurs études mettent en évidence trois niveaux de conséquences :
Des réactions de stress très intense à court terme chez la majorité des professionnels exposés.
L’apparition de pathologies psychiques à long terme, et en particulier des états de stress post-traumatique (ESPT) et des syndromes dépressifs chez une minorité de personnes exposées.
Une réaction de stress de moindre intensité à long terme chez une part plus importante de professionnels exposés se manifestant par divers troubles psychologies (irritabilité, comportements d’évitement, troubles du sommeil, pensées intrusives, etc.).
D’autres études montrent que l’intensité des conséquences sur la santé varient selon l’expérience personnelle et la nature de l’événement traumatisant. Plus particulièrement, la proximité entre la personne exposée et l’évènement traumatisant est déterminante. Le fait d’être témoin d’un accident aura ainsi potentiellement moins de conséquences que le fait de toucher la victime pour vérifier l’existence de signes vitaux.
La réaction immédiate de la hiérarchie semble par ailleurs avoir un effet important sur la perception à long terme que développent les collaborateurs exposés suite à un évènement traumatisant. L’absence de soutien immédiat et le manque de considération ont ainsi un impact notable.
Comment agir face aux situations à caractère traumatisant ?
Plusieurs mesures immédiates gagnent à être mises en œuvre dès l’exposition d’un collaborateur à un évènement traumatisant :
La prise en charge immédiate sur le lieu de l’évènement : L’objectif est de témoigner un soutien fort de la hiérarchie et des pairs, quelle que soit l’origine de l’évènement. L’analyse des causes gagnera à intervenir dans un second temps, à froid.
La possibilité de retrait : Il s’agit de proposer au collaborateur exposé de quitter le lieu de travail et de bénéficier d’un congé temporaire.
Le débriefing émotionnel : Réalisée par un clinicien compétent, cette forme d’entretien clinique a pour objectif de revenir à froid sur l’évènement traumatisant et de permettre aux collaborateurs exposés d’y mettre du sens. Cet accompagnement permet entre autres de prévenir dans une certaine mesure l’apparition d’un état de stress post-traumatique à long-terme.
L’assistance juridique : Dans le cas où l’évènement traumatisant implique une suite juridique (ex. : dépôt de plainte suite à une agression), il est utile d’informer les collaborateurs de leurs droits et de les accompagner dans leurs démarches. Outre le support matériel qu’apporte cette assistance, elle permet de renforcer l’expression du soutien et de la considération de l’institution pour ses collaborateurs.
Structurer un protocole de prise en charge
Malgré leur caractère imprévisible, les situations à caractère traumatisant sont fréquentes. Il est possible de s’y préparer et de développer de véritables protocoles facilitant leur prise en charge.
Dans un premier temps, il est nécessaire de définir collectivement ce qui, dans un environnement de travail donné, est potentiellement traumatisant. Ce travail d’identification de situations critiques peut prendre la forme d’un retour sur expérience conduit auprès de groupes de travail représentatifs des collaborateurs de l’entreprise. Des situations critiques récurrentes pourront ainsi être identifiées.
Une fois ces situations critiques identifiées, il sera possible de structurer un dispositif de veille offrant à tout professionnel exposé à une situation critique la possibilité d’activer un circuit d’alerte bien déterminé afin de déclencher une série de mesures immédiates (soutien sur le lieu de l’évènement, intervention de la hiérarchie, retrait, orientation, accompagnement, etc.).
L’efficience de ce dispositif de veille dépend tout particulièrement de la capacité de l’organisation à être extrêmement réactive. Le protocole devra notamment comporter un système d’astreinte permettant à un représentant de la hiérarchie d’intervenir in situ à tout moment.
La sensibilisation de l’ensemble des acteurs ne doit également pas être négligée. Il est ainsi nécessaire de sensibiliser tous les collaborateurs de façon périodique à l’existences du protocole et à la nature des situations critiques permettant de l’activer. La formation de la hiérarchie au soutien et à l’accompagnement des collaborateurs exposés est également un enjeu fort.
Enfin, l’organisation gagnera à se constituer un réseau de relais compétents pouvant être sollicités pour orienter les collaborateurs exposés à des situations critiques, à commencer par des psychologues cliniciens spécialisés dans ce type de prise en charge ainsi que des appuis juridiques compétents.
Quelques références :
- Bardon, 2014
- Briem, 2007
- Burrows, 2005
- Cothereau, 2004
- Abbot, 2003
0 commentaires