Questionnaires RPS et QVT : les clés pour les choisir et les analyser

26 Avr, 2019
Questionnaires RPS et QVT

De nombreuses démarches d’évaluation des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail adoptent une enquête questionnaire comme point de départ. La fiabilité des données mesurées par les échelles d’évaluation utilisées est donc essentielle.

Ainsi, il est important de bien les choisir ses outils d’évaluation et d’en analyser correctement les résultats afin de répondre à ce besoin de fiabilité.

Quel questionnaire choisir ?

De nombreux outils d’évaluation des RPS et de la QVT coexistent aujourd’hui. Pour opérer un choix en connaissance de cause, il convient tout d’abord de savoir si l’on souhaite adopter une grille de lecture globale préexistante ou si l’on souhaite bâtir une grille de lecture sur-mesure, adaptée aux spécificités de son organisation.

Adopter une grille de lecture préexistante

Dans la mesure où ils reposent sur des modèles globaux et consensuels, de nombreux outils d’évaluation des RPS et de la QVT peuvent être utilisés en l’état à l’instar du WOCCQ (WOrking Conditions and Control Questionnaire, développé par l’Université de Liège) ou des questionnaires conçus autour de la nomenclature du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail (modèle dit « Gollac – Bordier », en références aux auteurs du rapport du collège d’expertise).

Il convient dans ce premier cas de figure de bien s’assurer du cadre d’utilisation des outils (questionnaire ouvert, système de licence, etc.), de bien vérifier que le modèle utiliser repose sur des bases scientifiques solides et de s’approprier les modalités d’administration, de traitement et d’analyse recommandées par les auteurs.

Rappelons ici que les questionnaires de Karasek (1979) et de Siegrist (1986), très largement utilisés pour évaluer les risques psychosociaux, ne fournissent qu’une évaluation parcellaire. Le questionnaire de Karasek évalue l’intensité de la demande psychologique à laquelle est soumis un travailleur, la latitude décisionnelle dont il dispose et le soutien social qu’il reçoit. Le questionnaire de Siegrist évalue lui le rapport « effort – récompense » et les conséquences qu’un déséquilibre peut induire sur la santé.

Même s’ils reposent sur des travaux scientifiques, ces deux outils sont aujourd’hui datés et ne permettent pas d’embrasser le caractère multifactoriel des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail.

Construire sa propre grille de lecture

On peut estimer que le contexte et les spécificités d’une organisation requièrent une grille de lecture sur-mesure des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail.

Dans ce cas de figure,  il est recommandé d’identifier dans un premier temps les concepts ou facteurs que l’organisation souhaite mesurer (ex. : charge mentale, qualité de la communication, climat de sécurité psychosociale, indicateurs de santé psychologique, etc.). Ensuite, un travail de recherche permettra d’identifier dans la littérature scientifique des échelles valides permettant d’évaluer précisément les concepts sélectionnés.

Ce travail peut paraître fastidieux mais il permet de disposer d’un outil totalement adapté et réutilisable de façon périodique.

Qu’est-ce qu’un questionnaire scientifiquement valide ?

Un questionnaire est réputé « scientifiquement valide » lorsque les chercheurs qui l’on conçu l’on testé sur une population suffisante et on vérifié sa qualité et sa stabilité au travers d’un protocole rigoureux appelé paradigme de Churchill. Trois éléments sont particulièrement examinés lors de ce processus :

  1. L’accessibilité : tous les répondants au questionnaire comprennent-ils les questions de la même façon ?
  2. La validité interne du questionnaire : toutes les les questions mesurent-elles bien le même phénomène ?
  3. La validité externe du questionnaire : le questionnaire est-il bien corrélé à d’autres questionnaires valides mesurant des concepts voisins ?

Comment analyser les données d’une enquête questionnaire ?

En statistiques appliquées aux sciences humaines, seuls les scores globaux relatifs à un facteur ou dimension on du sens (ex. : insécurité de la situation de travail, conflits de valeur, etc.). Les résultats d’un questionnaire ne s’analysent donc pas par questions ou « items » comme dans un sondage d’opinion. Les scores des questions relevant d’un même facteur sont regroupés et c’est leur moyenne qui est interprétée.

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Le score global d’un facteur doit ensuite être interprété à la lumière de plusieurs éléments :

Le score absolu : La plupart des échelles scientifiquement valides disposent de guides permettant d’interpréter le score obtenu par un groupe d’individus sur un facteur donné. Par exemple, on saura qu’à partir d’un certain score, la perception de la charge mentale reflètera un niveau de risque plus ou moins élevé.

L’écart-type : L’écart-type permet de comprendre la dispersion des scores des individus ayant répondu au questionnaire. Un écart-type faible indique que les réponses sont homogènes et que les individus perçoivent globalement la même chose. Un écart-type important reflète au contraire des perceptions très hétérogènes. Un même moyenne peut ainsi refléter des réalités radialement différentes.

Image6

L’écart par rapport à la norme : Certains questionnaires d’évaluation des RPS et de la QVT sont étalonnés. Cela signifie que leurs auteurs indiquent les scores obtenus par la population générale pour chaque facteur mesuré, dotant ainsi les utilisateurs de « normes ». Certains questionnaires sont même étalonnés par secteurs d’activité.

Il est ainsi utile de comparer les scores de son organisation à ces normes afin de se situer et de mieux interpréter certains phénomènes. Ce type d’analyse permet en particulier de comprendre si certains phénomènes sont habituels pour une famille de métiers donnée, ou si au contraire la réalité de l’organisation s’écarte sensiblement de ce qui est communément observé.

L’ensemble de ces analyses peuvent être réalisées pour tous les répondants au questionnaire, puis segmentées par variables socio-démographiques (familles de métiers, services, catégories d’âges, etc.) afin de poser des constats précis permettant d’envisager des orientations spécifiques pour chaque population.

D’autres analyses plus poussées permettent d’aller plus loin dans l’interprétation des données. Les analyses de corrélation permettent par exemple de savoir si des facteurs varient ensemble et de mettre en évidence des lieux de causalité (ex. : influence de la charge de travail sur la santé psychologique). Le calcul du coefficient alpha de Cronbach permet de mesurer la cohérence interne des échelles utilisées et de rassurer les pilotes de la démarche à propos de la fiabilité des résultats obtenus sur chaque facteur.

Toutes ces analyses doivent être réalisées par des acteurs formés, à l’aide de logiciels d’analyse statistiques spécialisés  (ex. :  SAS, Statistica, Le Sphinx, etc.).

Certes, toutes ces opérations peuvent paraître fastidieuses. C’est là qu’il est nécessaire de rappeler que trop souvent, des dirigeants prennent des décisions engageantes et coûteuses à partir des résultats de baromètres RPS et QVT conçus et analysés de façon hasardeuse.

C’est pourquoi il nous semble essentiel de faire preuve de pédagogie afin de diffuser progressivement ces bonnes pratiques et de favoriser un niveau d’exigence plus élevé et améliorer la fiabilité de ces aides à la décision.

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