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La toile foisonne de ressources sur la qualité de vie au travail. Le moins que l’on puisse en dire est qu’elles sont d’une qualité et d’une fiabilité extrêmement variable. Parallèlement, l’enjeu que représente la qualité de vie au travail impose aux grandes organisations une veille scientifique et technique de plus en plus ciblée pour identifier les innovations les plus adaptées à leurs besoins.
Où chercher des informations ? Comment évaluer leur crédibilité ? Cet article se penche sur les clés pour créer une veille scientifique et technique de qualité.
La veille scientifique : discerner la qualité des publications
Lorsque l’on souhaite ouvrir des perspectives sur une thématique en s’appuyant sur des apports scientifiques fondamentaux, il est utile de questionner la qualité et la robustesse des publications scientifiques. Divers éléments permettent de la jauger :
La revue scientifique dans laquelle est publiée l’étude a son importance. Pour connaître la qualité de la revue, il est nécessaire d’identifier en premier lieu si le processus de sélection des études inclut un comité de relecture par les pairs. Experts reconnus du domaine de publication, c’est à eux qu’il revient de juger de la qualité et des limites du travail scientifique. En second lieu, il est nécessaire de questionner la qualité de la revue choisie par les auteurs. Dans la communauté scientifique, cette qualité est symbolisée par un indice appelé « Quartile (Q) », indiquant le poids de son influence scientifique. Les revues du premier quartile « Q1 » sont considérées comme le premier niveau d’excellence scientifique.
La rigueur méthodologique de l’étude crédibilise également ses résultats. Ainsi, un échantillon de répondants suffisant et représentatif, ayant les mêmes caractéristiques de la population cible, les qualités psychométriques des outils utilisés et le choix de traitements statistiques appropriés pour tester les hypothèses de l’étude sont des critères cruciaux. Le fait que les auteurs acceptent de mettre à disposition leurs données permettant la vérification des traitements statistiques réalisés par les pairs est également un important indice de fiabilité.
Bien que de nombreuses revues scientifiques soient payantes, il en existe d’autres de qualité en libre d’accès du mouvement « science ouverte » (open science) qui proposent gratuitement des publications de haut niveau.
Enfin, il est important de se renseigner sur les sources de financement de l’étude et les potentiels conflits d’intérêt avec des structures ayant des intérêts financiers et/ou non-financiers susceptibles d’influencer les résultats.
La veille technique : sélectionner les méthodes et les outils les plus profitables
En complément à la veille scientifique, la veille technique recherche plutôt à alimenter les organisations en outils, méthodes et retours sur expériences concrets. Ce matériau n’est pas forcément adossé à des référentiels scientifiques fondamentaux. Il peut être produit de façon empirique, par des experts, des praticiens, ou au terme de processus de retour sur expériences ou de capitalisation de bonnes pratiques.
Une veille technique de qualité dépend de plusieurs critères. Premièrement, et même si cette forme de veille n’est pas soumise aux mêmes critères de rigueur que la veille scientifique, il est essentiel de questionner la compétence et l’expérience des auteurs. Dans le cas des outils et méthodes issus de retours sur expériences, il est également utile de questionner le caractère reproductible des démarches qui conditionne le côté plus ou moins transposable des outils.
Le caractère innovant et opérant des solutions mérite également d’être mis en balance : certaines approches peuvent ainsi paraître séduisantes de prime abord car elles sont faciles à appréhender et à mettre en œuvre, alors qu’elles apportent peu d’améliorations concrètes à la santé ou à la qualité de vie au travail dans les faits. Nous sommes en effet dans un paradigme simplificateur où le caractère accessible de certaines solutions est trop souvent confondu avec leur efficience réelle.
Il existe par ailleurs une dialectique évidente entre veille scientifique et technique : la veille technique peut compléter les apports scientifiques, mais ne doit jamais les contredire. Si une méthodologie proposée par une démarche empirique contredit des données scientifiques, c’est à ces dernières qu’il convient de donner raison.
Comme dans le cas de la veille scientifique, il est également indispensable de se questionner sur l’indépendance et les motivations des auteurs. Le domaine de la qualité de vie au travail étant très propice à l’inbound marketing, de nombreuses ressources gratuites sont en réalité conçues pour orienter sciemment vers des prestations payantes. Il est donc recommandé de privilégier une veille basée sur les apports d’acteurs institutionnels, d’organismes publics ou d’organisations à but non lucratif.
Mettre en œuvre un processus de veille scientifique et technique
Au regard du très grand nombre de sources, la mise en œuvre d’un processus de veille est un travail par essence sélectif. L’objectif n’est pas de centraliser toutes les publications en lien avec une thématique, mais de sélectionner un nombre restreint de sources de qualité, tant sur le volet scientifique que technique.
La mise en discussion des enjeux et des finalités de l’organisation en matière de qualité de vie au travail permettra de cibler les sources les plus adaptées aux enjeux.
Un processus de veille opérant doit également être évalué dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue. Il est ainsi utile de questionner la qualité des apports qu’il a pu produire et la réalité de leur transposition dans les processus et pratiques de l’organisation.
Quelques sources pour initier une veille scientifique et technique sur la QVT
Il existe de nombreuses bases de données pour rechercher des informations scientifiques, parmi lesquelles :
- PsycInfo est une base de données d’articles scientifiques majoritairement anglophones éditée par l’Association américaine de psychologie et spécifiquement dédiée à la psychologie et aux sciences du comportement.
- Sciencedirect est une base de données de l’éditeur Elsevier plus généraliste recouvrant un vaste spectre de disciplines scientifiques et d’articles scientifiques en anglais.
- Google scholar permet également d’accéder à une variété d’articles et de publications scientifiques majoritairement anglophones eux-aussi.
- Cairn est est une base de données d’articles et d’ouvrages en français et en anglais dans diverses disciplines des sciences humaines et sociales.
- Pascal et Francis est la base de données bibliographiques du CNRS couvrant diverses disciplines scientifiques et littéraires.
- Frontiers est une revue classée Q1 et gratuite qui propose des articles de haut niveau scientifique dans le cadre de la mouvance Science Ouverte.
- Enfin, The conversation représente également un média de vulgarisation scientifique particulièrement intéressant car gratuit et alimenté par les scientifiques eux-mêmes traitant d’un large spectre de sujets.
Quelques sources pour mettre en œuvre sa veille technique :
- L’INRS et l’ANACT restent les sources privilégiées dans l’espace de travail français. Elles peuvent être complétées par les apports des ARACT, CARSAT et autres acteurs institutionnels locaux (OPCO, opérateurs du handicap au travail, SIST, etc.)
- L’IRSST (Québec) propose de nombreuses ressources de Qualité
- L’Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail (OHSA) propose de nombreux outils et ressources gratuits
- Le CIPD (organe de recherche appliquée en ressources humaines pour les pays du Commonwealth) propose une importante banque de ressources et guides pratiques en langue anglaise.
- Enfin, de nombreuses associations et ONG, spécialistes de thématiques précises (addictions, sobriété numérique, transition écologique, RSE, etc.) proposent des centres de ressources complets.
Auteurs :
Fadi Joseph Lahiani, Psychologue du travail et des organisations
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et docteure en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours.
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