Trois secondes : c’est le temps qu’il nous fait en moyenne pour nous créer les premières impressions sur une personne. Nous la jugeons sur la base de son apparence physique, de ses propos, de sa voix et de son langage corporel. Cette première impression est à la base de notre perception du statut social, de l’éducation, de la sympathie, ou encore de l’orientation politique de cette personne.
La façon dont les autres nous perçoivent est un enjeu considérable dans la mesure où elle affecte leur comportement à notre égard. Par conséquent, nous élaborons des stratégies actives pour contrôler l’image que nous dégageons : cela s’appelle la gestion des impressions.
Afin de se créer une réputation sociale et de la protéger, les individus tentent de contrôler ce que les autres pensent d’eux en agissant sur leur propre image. Pour cela, ils se décrivent de manière positive, adaptent leur langage corporel ou font preuve d’altruisme. Présents dans toutes nos sphères de vie, ces comportements sont particulièrement prégnants dans le monde du travail, notamment face à des personnes incarnant un pouvoir ou une forme d’autorité, comme face à un.e recruteur.euse en situation d’entretien ou un.e supérieur.e hiérarchique
Gérer son image sur les réseaux sociaux professionnels
Les réseaux sociaux peuvent également nous permettre de nous montrer sous notre meilleur jour, aussi bien dans la vie personnelle que professionnelle. Sur les réseaux sociaux professionnels, les demandeur.se.s d’emploi, les candidat.e.s mais aussi les personnes en emploi affichent leurs compétences, qualifications et expériences sur leurs profils en ligne. Sur LinkedIn, leader des réseaux sociaux professionnels, les utilisateur.trice.s peuvent par exemple contrôler les informations qui alimentent leurs profils. L’objectif de chacun.e est alors d’attirer l’attention sur son profil, de le rendre unique et de le faire sortir du lot.
Outre la possibilité d’afficher des atouts professionnels, il est possible de partager et de mettre en avant ses centres d’intérêts, des photos, des articles ou encore des vidéos. Ces publications jouent un rôle dans la formation d’une image professionnelle et peuvent amener les recruteur.euse.s à construire, à l’aide de toutes ces informations, une image précise d’un.e candidat.e et à en déduire des éléments quant à sa personnalité.
L’importance de la photo de profil…
La littérature scientifique n’a que peu exploré la question de la gestion d’impression sur les réseaux sociaux professionnels.
Les photos de face, par exemple, sont considérées comme plus professionnelles et permettent aux candidat.e.s d’être perçu.e.s comme plus compétent.e.s et performant.e.s.
L’équipe américaine de Gosling a permis de démontrer que la photo de profil d’un.e candidat.e permet de fournir des informations implicites, ces dernières entraînant la création d’impressions négatives ou positives à propos la personnalité de la personne.
Les photos de face, par exemple, sont considérées comme plus professionnelles et permettent aux candidat.e.s d’être perçu.e.s comme plus compétent.e.s et performant.e.s. Les recherches portant sur la photo de profil ont également montré qu’un sourire permet de dégager de l’amabilité, mais aussi de la compétence. Enfin, selon une étude de Sullivan en 1994, le fait d’afficher une tenue adaptée aux normes professionnelles – plutôt que des vêtements originaux ou colorés – représenterait un atout pour le ou la candidat.e.
…et des centres d’intérêt affichés
Sur les réseaux sociaux professionnels, il est également possible de s’exprimer sur ses centres d’intérêts, qui peuvent eux aussi révéler des informations que les recruteur.euse.s utiliseront afin de juger un.e candidat.e.
c’est en se montrant à la fois compétent.e et sympathique que les candidat.e.s favoriseront l’unicité de leur profil aux yeux des recruteur.euse.s
Selon l’étude de Gao et de ses collègues américains et chinois, il est recommandé de bien contrôler la quantité d’informations révélée mais aussi leur qualité. En effet, il s’avère efficace de combiner autant d’activités révélant de la sympathie, de l’amabilité telles que des activités bénévoles, humanitaires, associatives mais aussi des centres d’intérêts en lien avec le monde du travail comme le développement personnel, la qualité de vie au travail, ou encore des articles en lien avec des problématiques professionnelles…
Fiske, chercheur en psychologie sociale, a démontré en 2018, que c’est en se montrant à la fois compétent.e et sympathique que les candidat.e.s favoriseront l’unicité de leur profil aux yeux des recruteur.euse.s. Les candidat.e.s qui renvoient une image basée exclusivement sur la compétence ou l’intelligence auront moins de chance.
Mais attention : femmes et hommes ne sont pas égales et égaux sur les réseaux sociaux. Les techniques de gestion des impressions ne sont pas perçues identiquement pour les deux sexes. La psychologie sociale, par le biais de différentes études comme celle de Rodrigues en 2020, nous explique en effet que les candidat.e.s qui mettent en avant davantage de traits de compétence que de sympathie, s’éloigneraient de la norme sociale attendue d’elles et eux. Ces personnes seraient alors jugées de façon négative en raison de ce que l’on appelle le Backlash effect, dont nous vous parlerons dans notre prochain article.
Qu’en conclure ?
Cet article pointe un certain nombre d’éléments permettant d’optimiser l’image que nous renvoyons sur les réseaux sociaux professionnels, et en particulier telle qu’elle est perçue par les recruteur.euse.s
Dans l’ensemble, force est de constater que les facteurs perçus positivement, comme le professionnalisme, l’amabilité, … demeurent stéréotypés et peuvent facilement être feints. Il est par ailleurs légitime de se questionner sur leur véritable caractère prédictif en termes de compétences. En effet, un.e candidat.e maîtrisant les codes sera potentiellement mieux perçu qu’un.e candidat.e peut être plus compétent.e, mais moins soucieux.se de son image.
La différence entre les femmes et les hommes interpelle également. Les mécanismes de construction des impressions démontrent en effet que nos représentations collectives imposent encore une image plus policée aux femmes. Il s’agit là de stéréotypes qui méritent d’être dénoncés et combattus.
Il est donc essentiel de sensibiliser les recruteur.euse.s à ces mécanismes de formation des impressions qui peuvent involontairement conduire à des arbitrages subjectifs, voire à des faits de discrimination avérés.
Les auteur.e.s :
Guillaume QUINTAINE est étudiant du Master 2 Psychologie Sociale du Travail et des Organisations à l’Université de Reims Champagne-Ardenne.
Il souhaiterait passer le concours de psychologue de l’éducation nationale pour exercer dans le milieu de l’insertion et de l’orientation des jeunes. Il aimerait accompagner les jeunes en grande difficulté de décrochage.
Malek Kaffel est diplômée d’un master en Psychologie Sociale du Travail et des Organisations. Elle souhaite développer son expérience professionnelle en tant que consultante et formatrice dans la promotion de la qualité de vie au travail en entreprise.
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