La performance collective est l’enjeu central de toute organisation du travail. Scrutée et évaluée au prisme de nombreux indicateurs, la performance n’en reste pas moins difficile à définir. Elle peut revêtir de nombreuses formes et être perçue différemment à l’aune des intérêts, attentes et motivations des différentes parties.
En management des ressources humaines, l’usage veut que la performance soit évaluée individuellement dans le cadre des désormais classiques entretiens d’évaluation. Paradoxalement, la recherche fondamentale démontre que la performance se construit avant tout collectivement.
Récemment, la CIPD (Chartered Institute of Personnel and Development), organe de recherche en ressources humaines du Commonwealth, a publié deux méta-études synthétisant les apports de la littérature scientifique pour mieux comprendre les déterminants de la performance collective. Nous vous proposons de revenir sur les principaux enseignements de ces publications dans cet article.
Qu’entend-on par performance ?
La première méta-étude du CIPD recense dans un premier temps les nombreuses grilles de lecture coexistant pour définir la performance. Elle aboutit ainsi à une segmentation du concept en trois sous-catégories distinctes.
La performance centrée sur la tâche est la sous-catégorie la plus évidente. Elle renvoie aux objectifs quantitatifs et qualitatifs assignés par l’organisation et mesurable au travers des fameux KPI (Key Performance Indicators) propres à chaque organisation. La performance centrée sur la tâche s’évalue également à travers la perception qu’a chaque personne de son propre travail. La pertinence de l’évaluation de la performance centrée sur la tâche recherchera ainsi à faire converger les indicateurs évalués par l’organisation, renvoyant au travail prescrit, et l’appréciation de la personne réalisant le travail, renvoyant au travail effectif.
La performance contextuelle est le second volet de la performance globale. Également nommée « performance extra-rôle », elle renvoie à la propension des employés à effectuer des actions ou à adopter des comportements allant au-delà du travail proprement dit. Cela inclut par exemple les comportements de citoyenneté organisationnelle, l’entraide, la facilitation de l’accueil des nouveaux arrivants ou la participation à des évènements extra-professionnels. Ce volet de la performance est important, dans la mesure où il contribue significativement à l’atteinte des objectifs formalisés mais aussi à la qualité de vie au travail. Il est tributaire d’un climat organisationnel favorable et de pratiques managériales vertueuses, comme les pratiques de leadership serviteur.
Les auteurs identifient enfin une performance dite adaptative qui décrit l’aptitude des équipes à s’adapter aux changements et à réagir face aux imprévus. Elle traduit une aptitude à l’innovation. Cette qualité n’est pas la résultante de l’addition d’individualités créatives. Elle dépend en revanche de la diversité des profils des employés, des degrés de liberté qui leur sont accordés et des pratiques de management de l’innovation mises en œuvre par l’employeur.
Une organisation souhaitant mesurer sa performance globale doit ainsi combiner les trois types d’approches en combinant :
- une mesure de la performance liée à la tâche, idéalement issue d’un regard croisé entre les indicateurs objectifs et consensuels d’une part et l’appréciation des travailleurs d’autre part,
- une évaluation de la performance contextuelle, réalisable à travers des outils de mesure psychosociale.
- Une évaluation de la performance adaptative, envisageable à travers des retours sur expériences portant sur la gestion des changements et de la gestion des imprévus.
Pour chacune des dimensions, l’étude recommande des bonnes pratiques permettant de choisir des indicateurs robustes et mettre en œuvre des pratiques d’évaluation fiables. Elle recommande plusieurs outils scientifiquement éprouvés pour chacune des sous-catégories de la performance.
Qu’est-ce qui influence la performance ?
Dans un second volet de l’étude, les auteurs ont passé en revue de nombreux modèles explicatifs de la performance au travail afin d’en proposer une synthèse. Ils soulignent particulièrement la fiabilité du modèle JD-R (Job Demands-Resources) qui s’intéresse aux déterminants de la performance durable, de la santé, de la qualité de vie au travail en dissociant les contraintes et les ressources du travail.
Ils soulignent également la pertinence de l’approche du modèle GRPI (Goals, Roles, Processes and Interpersonal Relationships) qui met en évidence les facteurs facilitant la collaboration et l’efficience collective.
Qu’est-ce qui différencie les collectifs performants ?
Dans une seconde revue de littérature dédiée « équipes à haute performance », le CIPD s’attache à identifier ce qui différencie les collectifs plus efficients que la moyenne.
L’analyse de la littérature scientifique permet de mettre en évidence le fait que ces équipes sont avant tout caractérisées par une clarté et une compréhension communes des objectifs, des rôles et des responsabilités. Chaque membre de l’équipe sait ce qui est attendu de lui et comment sa contribution contribue aux résultats globaux. De plus, les équipes à haute performance adoptent une communication ouverte et transparente, favorisant la collaboration et l’échange d’idées.
La confiance mutuelle est également une caractéristique essentielle des équipes à haute performance. Les membres de l’équipe se font confiance et sont prêts à prendre des risques et à partager leurs idées sans craindre d’être jugés ou critiqués. Cela implique une culture organisationnelle transparente et ouverte à la critique. En outre, ces équipes sont souvent composées de membres ayant des compétences et des profils complémentaires, ce qui favorise la synergie et la complémentarité des efforts.
Quelles pratiques pour développer des équipes à haute performance ?
L’étude met en évidence plusieurs pratiques clés pour développer la performance collective. La formation et le développement des compétences des membres de l’équipe restent naturellement le premier levier. Au-delà de temps de formation formels, les organisations gagneront à proposer des temps d’échange de pratiques, d’auto-formation, d’immersion ou de mise en situation afin de faciliter le transfert de savoirs.
La création d’un climat de confiance et de soutien est également essentielle. Les gouvernances et les managers doivent construire un environnement où les membres de l’équipe se sentent en sécurité pour exprimer leurs idées, poser des questions et demander de l’aide. En favorisant une culture de soutien mutuel, les équipes peuvent surmonter les obstacles et résoudre les problèmes de manière collaborative.
La communication efficace est un autre ingrédient clé pour développer des équipes à haute performance. Les gestionnaires doivent encourager une communication ouverte et transparente, en fournissant des canaux de communication clairs et en favorisant la participation active de tous les membres de l’équipe. L’efficience des pratiques de communication interne (système de réunions, outils de communication, dispositifs de remontée d’information, etc.) est donc essentielle.
Enfin, la reconnaissance et la récompense des contributions exceptionnelles sont essentielles pour maintenir la motivation et l’engagement des membres de l’équipe. Les gouvernances doivent ainsi reconnaître les réalisations individuelles et collectives et proposer une rétribution adaptée. Cette rétribution devra prendre en considération les situations d’exception où des efforts exceptionnels auront été consentis.
Que nous enseignent ces études ?
Les revues d’évidence du CIPD nous rappellent que la performance est avant tout un construit collectif. Dans l’actuel contexte très marqué par la recherche de « talents » individuels, il est utile de s’appuyer sur ce travail pour rappeler que la performance est avant tout un construit collectif. Favoriser une performance durable passe donc par le développement d’un contexte organisationnel favorable permettant le développement des collaborations et l’expression des compétences.
Enfin, il nous semble utile de souligner la qualité des revues de littérature appliquées du CIPD. Cette vulgarisation de qualité facilite le continuum entre la recherche fondamentale et les pratiques de terrain et encourage un management éclairé par les apports scientifiques. Aucun organisme français ne joue aujourd’hui un tel rôle. Le discours scientifique reste globalement cloisonné et détaché des pratiques de terrain. Il serait opportun que les acteurs institutionnels français s’inspirent de ces approches pour rendre accessible les apports de la recherche et encourager des pratiques managériales fondées sur l’évidence scientifique.
Pour en savoir plus : les revues de littérature du CIPD
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