L’univers professionnel contemporain nous soumet à une exigence de disponibilité plus ou moins officielle (astreintes) ou auto-imposée (sentiment de responsabilité), indépendamment de l’heure de la journée et de la présence sur le lieu de travail.
Interface vie privée-vie professionnelle : une « laisse électronique » ?
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) facilitent cette disponibilité permanente. L’utilisation de smart-phones et l’accessibilité de l’Internet sans fil s’accompagnent d’attentes de réponses plus rapides aux communications d’ordre professionnel. Ces technologies augmentent ainsi les heures travaillées sur le lieu de travail mais également hors-travail en permettant aux salariés de rester connecter au monde professionnel durant leurs heures hors-travail.
Les travailleurs se sentiraient ainsi dans l’obligation de répondre immédiatement aux communications d’ordre professionnel, notamment les soirs, les weekends ou durant les congés. Certains auteurs font ainsi référence aux technologies de communication sous le terme de « laisse électronique » qui attacheraient les travailleurs à leurs obligations professionnelles, au-delà de la sphère dédiée.
La théorie des frontières
L’usage des technologies à des fins professionnelles durant les heures hors-travail est associé à la théorie des frontières, qui s’intéresse à la manière dont les individus créent et maintiennent des frontières leur permettant de simplifier et de classifier le monde environnant.
Une préférence individuelle…
D’une part, la théorie des frontières postule que les individus créent et maintiennent des frontières psychologiques, physiques ou comportementales autour de leurs différentes sphères de vie. La théorie propose ainsi que les individus varient selon leur préférence de segmentation ou –à l’inverse- d’intégration de leurs sphères de vie privée et professionnelle dans le but de satisfaire leurs rôles professionnels et personnels. La préférence de segmentation renvoie donc au degré auquel l’individu préfère séparer ses sphères de vie professionnelle et personnelle en créant des frontières plus ou moins imperméables entre ces deux sphères.
…fortement liée à un mimétisme organisationnel
D’autre part, les organisations du travail -elles aussi- varieraient selon le degré auquel elles promeuvent ou soutiennent des frontières claires entre la sphère professionnelle et la sphère privée et auquel elles considèrent ces frontières comme imperméables. Ce degré renvoie à la notion de normes de segmentation perçues, c’est à dire la perception que se fait un individu du degré de segmentation pratiqué par ses pairs, collègues ou superviseurs. Or, en se basant sur la théorie de l’apprentissage social, il est postulé que les individus percevant de fortes normes de segmentation chez leurs pairs seront enclins à reproduire ce comportement en s’imposant de plus fortes frontières entre leurs propres sphères de vie professionnelle et privée. De quoi encourager à des pratiques exemplaires, à tous les niveaux.
Segmenter pour préserver la santé
D’autant plus que l’immédiateté, la connectivité et les limites plus floues entre la sphère professionnelle et la sphère privée seraient liées à une variété de conséquences négatives notamment à l’incapacité à se détacher psychologiquement du travail durant les heures hors travail, à l’interférence négative de la vie professionnelle sur la vie privée, ou encore au besoin de récupération.
Quelques références
- Ashforth, Kreiner, & Fugate, 2000
- Bandura, 1977
- Boswell & Olson-Buchanan, 2007
- Diaz, Chiaburu, Zimmerman, & Boswell, 2012
- Golden & Geisler, 2007
- Kreiner, Hollensbe, & Sheepe, 2009
- Major & Germano, 2006
- Middleton, 2007
- Park, Jex, & Fritz, 2011
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