Fidéliser en développant l’engagement organisationnel

1 Sep, 2022
engagement organisationnel

Aujourd’hui, la réussite des entreprises passe par l’intégration de collaborateurs et collaboratrices  compétent·es et par la capacité à les fidéliser. L’équipe de Julie Johnson, professeure en marketing à l’Université de Caroline de l’Est , a montré en 2000 que l’embauche et la formation d’un nouveau collaborateur coûte à l’entreprise environ 50% de son salaire annuel. Il parait ainsi important de porter une attention particulière aux facteurs favorisant la fidélisation.

Parmi ces leviers, la recherche en psychologie des organisations a identifié l’attachement des salarié·es envers leur entreprise, aussi appelé engagement organisationnel. et jouant un rôle prépondérant dans le processus de fidélisation. Qu’est-ce que l’engagement organisationnel et comment se manifeste-t-il ? Quels sont les bénéfices, pour une entreprise, à avoir des collaborateurs et des collaboratrices engagé·es ? Et, comment favoriser cet engagement organisationnel ?

L’engagement organisationnel : de quoi parle-t-on ?

Dès 1996, Natalie Allen et John Meyer, professeur·es de psychologie du travail à l’Université d’Ontario, ont défini l’engagement organisationnel comme un lien psychologique unissant l’employé·e à son organisation. Quelques années plus tard, en 2002, John Meyer et son équipe précisent cette définition en mettant en évidence trois mécanismes expliquant l’engagement envers l’entreprise : l’engagement affectif, l’engagement normatif et l’engagement de continuité.

Ces trois formes d’engagement connues, il est intéressant de s’interroger sur leurs conséquences. La recherche en psychologie des organisations a tenté d’apporter des éléments de discernement et a ainsi montré que certaines formes d’engagement sont plus bénéfiques que d’autres.

Quels bénéfices pour les entreprises ?

Une personne présentant un niveau élevé d’engagement organisationnel est généralement moins encline à vouloir quitter son entreprise. Toutefois, les différentes formes d’engagement ont des effets distincts sur les intentions de départ. Michael Clugston, professeur au sein du département de gestion de l’université du nord de l’Illinois a ainsi montré en 2000 que lorsque les valeurs de l’entreprise sont en adéquation avec celles des personnes (engagement affectif), elles sont moins enclines à vouloir la quitter. Cet auteur a en revanche démontré, que l’engagement normatif n’était pas lié à l’intention de changer d’employeur.

Au-delà des conséquences sur la fidélisation, l’équipe de Sarah Brown, de l’institut IZA de recherche en économie du travail en Allemagne, a montré en 2011 que l’engagement normatif est associé à une augmentation de la performance au travail, alors que Jing Chen et Sun Xiao-hua chercheurs en gestion de l’Université de Xi’an en Chine avaient montré en 2009 que l’engagement de continuité est lié à une diminution de la performance au travail. En effet, lorsque les personnes sont dans l’entreprise par manque de choix, elles ne vont fournir que le minimum de performance alors que si elles se sentent redevables vis-à-vis de cette dernière, elles vont performer à la hauteur de ce qu’elles pensent devoir et donc afficher de meilleurs résultats.

Les conséquences de l’engagement organisationnel ne s’arrêtent pas seulement aux performances, elles peuvent concerner aussi des comportements moins visibles. Michael Riketta, professeur de psychologie à l’Université de Mannheim a montré en 2002 que les personnes engagées affectivement sont plus enclines à aider leurs collègues surchargé·es ou confronté·es à des tâches ou à des problèmes liés au travail. En revanche, les salarié·es qui restent dans leur entreprise parce qu’ils n’ont pas d’autres alternatives (engagement de continuité) sont moins disposé·es à aider leurs collègues selon Kathleen Bentein et Christian Vanderberghe, professeur.es de psychologie des organisations à l’Université de Louvain

Il parait donc important pour les entreprises de mettre en place des pratiques pouvant contribuer à développer la meilleure forme d’engagement : l’engagement affectif. En effet, cette forme d’engagement est la meilleure car elle est liée positivement à la fois aux comportements d’entraide, à la fidélisation et à la performance des salariés. Le renforcement de l’engagement normatif mérite également d’être considéré dans la mesure où il est aussi associé à certains effets bénéfiques. Enfin, il convient d’éviter d’avoir des équipes avec un engagement de continuité du fait de ses conséquences négatives à long terme sur le fonctionnement des entreprises…

Quels leviers pour renforcer l’engagement affectif et normatif de ses salariés ?

Dans la littérature scientifique, plusieurs leviers ont été identifiés pour agir sur l’engagement organisationnel. En 2000, Kathleen Bentein, Florence Stinglhamber et Christian Vandenberghe, ont identifié plusieurs mécanismes pouvant favoriser l’engagement affectif. En premier lieu, le fait que les salarié.es perçoivent de l’équité dans les critères de prise de décision favorise leur engagement affectif. Cela peut par exemple se traduire par une politique de rétribution équitable ou les primes et avantages sont attribués sur la base de critères clairs et transparents.

Le sentiment d’importance personnelle favorise également l’engagement affectif : plus une personne estimera que ses contributions et ses efforts sont importants pour son organisation, plus elle s’engagera affectivement. Ce sentiment d’importance personnelle dépend des pratiques managériales. Les managers favoriseront ainsi particulièrement l’engagement affectif en faisant preuve de soutien et de considération, en fournissant à leurs équipes des informations claires sur leurs tâches et missions, en les faisant participer aux prises de décisions, et en leur montrant qu’elles contribuent à l’avancement de l’organisation via des retours sur le travail. En somme, le fait de mieux percevoir les objectifs et valeurs de l’entreprise, et la manière dont chacun y contribue, aidera à s’y identifier.

Concernant l’engagement normatif, Klaus McNeese-Smith et Nazarey Margaret de l’université de Californie ont montré en 2001 qu’investir dans le développement des compétences des salarié·es en leur assurant des formations et en leur donnant accès à des opportunités d’apprentissage permettraient d’augmenter leur engagement normatif. En effet, ces pratiques permettent aux équipes de percevoir l’investissement de leur hiérarchie en leur faveur sur le long-terme, les fidélisant ainsi au travers d’une dynamique de réciprocité.  Plus concrètement, l’engagement de l’employeur en faveur du développement des compétences, suscite l’envie de rester au sein de l’entreprise dans une logique de réciprocité.

Conclusion

A l’heure du débat sur l’attractivité de nombreux métiers, l’engagement organisationnel apparait comme un élément important pour la stabilité des entreprises. Agir sur l’environnement de travail en promouvant la participation des collaborateurs et des collaboratrices aux prises de décision et en soutenant le développement de leurs compétences constituent de puissants leviers pour que leur fidélité ne soit pas la conséquence du manque d’opportunités externes, mais le fruit d’un alignement des valeurs et d’une dynamique de réciprocité.

Les auteur·e·s :

Ayité Ajavon est psychologue du travail et des organisations. Il s’intéresse à la QVT, aux comportements managériaux et aux changements organisationnels.

Mélina Deloux est psychologue du travail et des organisations. Elle s’intéresse à la promotion de la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux.

Références bibliographiques :

Allen, N. J. & Meyer, J. P. (1996). Affective, continuance and normative commitment to the organization: An examination of construct validity. Journal of Vocational Behaviour, 49(3), 252-276.

Brown, S., McHardy, J., McNabb, R. & Taylor, K. (2011). Workplace performance, worker commitment, and loyalty. Journal of Economics & Management Strategy, 20(3), 925-955

Chen, J. & Sun, X. (2009). The relationship research among organizational commitment, employee satisfaction and work performance. International Conference on Management Science and Engineering, 16(1), 619-624.

Clugston, M. (2000). The mediating effects of multidimensional commitment on job satisfaction and intent to leave. Journal of Organizational Behavior, 21(4), 477-486

Gangai, K., Agrawal, R. (2015). Job Satisfaction and Organizational Commitment: Is It Important for Employee Performance. International Journal of Management and Business Research, 5(4), 269-278.

Johnson, J.T.Griffeth, R.W. & Griffin, M. (2000), « Factors discriminating functional and dysfunctional salesforce turnover », Journal of Business & Industrial Marketing, 15(6),  399-415.

McNeese-Smith, D. K. & Nazarey, M. (2001). A nursing shortage: Building organizational commitment among nurses. Journal of Health Care Management, 46(3), 173-186.

Meyer, J. P. & Allen, N. J. (1997). Commitment in the workplace. Theory, research, and application. Thousand Oaks: Sage.

Riketta, M. (2002). Attitudinal organizational commitment and job performance : A meta-analysis, Journal or Organizational Behavior, 23(3), p. 257-266.

Stinglhamber, F., Bentein, K., Vandenberghe, C., 2002. Extension of the three-component model of commitment to five foci: Development of measures and substantive test. European Journal of Psychological Assessment, 18(2), 123–138.

Photo by Brooke Cagle on Unsplash

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