Les vacances arrivent à grands pas pour beaucoup d’entre nous et cette période constitue une véritable opportunité pour récupérer nos forces dépensées. Toutefois, certaines conditions sont nécessaires pour que les vacances soient optimales pour notre santé.
Revenir sur le besoin de récupération
Conformément au modèle effort-récupération (Meijman & Mulder, 1998), le travailleur fournit au cours d’une journée de travail des efforts continus (ex : concentration soutenue) qui vont entraîner une dépense énergétique considérable et un amenuisement de ses ressources cognitives, émotionnelles et physiques (van Veldhoven & Broersen, 2003).
Des symptômes du besoin de récupération vont alors s’observer en fin de journée de travail : un sentiment de surcharge au travail, une irritabilité, un sentiment de retrait social ainsi qu’un manque d’énergie pour générer de nouveaux efforts. Ce besoin de récupération peut affecter la sphère privée du travailleur avec un sentiment de fatigue tel qu’il ne peut pas faire d’autres activités quand il rentre du travail ou l’apparition d’un sentiment de détente seulement lors du deuxième jour de repos.
Pour récupérer les ressources dépensées, le travailleur doit disposer d’un temps de repos suffisamment long (pendant et après le travail) pour être à nouveau prêt à démarrer la journée suivante sans symptômes résiduels. Une récupération incomplète au jour le jour constitue un risque élevé d’atteinte à la santé sur le long terme. Notons que le temps de récupération s’accroît avec l’intensité des efforts générés pendant les journées de travail et la cumulation de symptômes résiduels.
Dans un précédent article, nous avions détaillé ces mécanismes de récupération..
Les vacances comme période de récupération
Sluiter et ses collaborateurs ont défini en 2000 quatre formes de récupération en fonction du temps passé hors du travail :
- La micro-récupération (premières minutes après le travail)
- La méso-récupération (10 minutes à 1 heure après le travail)
- La méta-récupération (1 heure à 2 jours après le travail)
- La macro-récupération (plus de 2 jours après le travail)
Dans ce cadre, les vacances constituent une opportunité de macro-récupération pour régénérer ses ressources (de Bloom et ses collaborateurs, 2009).
Des études antérieures ont montré que les vacances étaient associées à une plus grande satisfaction de la vie, à une meilleure humeur, à une augmentation de l’engagement au travail et à une réduction de l’épuisement professionnel (Nawijn et ses collaborateurs, 2010; Kühnel et Sonnentag, 2011).
Améliorer sa récupération : nos recommandations
L’importance de la déconnexion
Pour récupérer les ressources dépensées, il est essentiel de s’éloigner physiquement de son lieu de travail et de se désengager psychologiquement de ses préoccupations professionnelles. C’est ce que Sonnentag et Fritz (2007) ont appelé le détachement psychologique.
Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre tous les leviers possibles pour éviter de penser à son travail pendant les vacances en coupant les ruminations et l’anticipation continuelle.
L’employeur peut soutenir le détachement psychologique de ses collaborateurs via le respect du droit à la déconnexion, en évitant l’envoi d’e-mails ou d’appels téléphoniques professionnels pendant ces temps.
En 2017 Chen et ses collaborateurs ont réalisé une étude dans laquelle ils ont constaté sur un échantillon de 500 travailleurs, que 40% d’entre eux utilisent leur smartphone à des fins professionnelles pendant leurs vacances. Les résultats soulignent par ailleurs que cette pratique est associée à une augmentation du stress, une diminution de la satisfaction de vie et un empêchement de la récupération.
Veiller à la charge de travail avant le départ en vacances
Dans cette même étude, les chercheurs ont observé que l’utilisation du smartphone à des fins professionnelles pendant leurs vacances était expliquée par une forte charge de travail.
Ainsi, l’employeur doit veiller à l’allègement de la charge de travail de ses collaborateurs quelques jours avant le départ en vacances, en réduisant les prescriptions et les sollicitations, pour les laisser se concentrer sur le bouclage des tâches déjà engagées, afin d’optimiser leur récupération. Il est également nécessaire de réduire les incertitudes (source de ruminations pendant les vacances) en planifiant en amont avec eux les missions et les projets à réaliser lors du retour au travail.
Bien choisir ses activités de vacances
De Bloom et ses collaborateurs, chercheurs à l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas, ont réalisé en 2013 une étude sur l’effet des activités pratiquées pendant les vacances sur la santé des travailleurs. Ils ont observé que la possibilité de choisir les activités pratiquées, les activités de relaxation, les activités passives, et le plaisir qui y est associé entraînent une augmentation du bien-être pendant et après les vacances. Précisément, si la relaxation (ex : méditation) ou le repos permettent de réduire l’activation physiologique du corps, les activités nouvelles, distrayantes et stimulantes favorisent elles la déconnexion et le changement d’esprit. Ces activités renvoient à ce qu’on appelle les expériences de récupération (Sonnentag et Fritz, 2007).
Enfin, pour optimiser la récupération, les activités pratiquées au cours des vacances doivent être peu exigeantes sur le plan intellectuel et physique. Ainsi, il est nécessaire d’éviter dans la mesure du possible les activités domestiques qui se caractérisent, à l’instar des activités professionnelles, par des exigences accrues empêchant la récupération.
Conclusion
La récupération est un besoin essentiel au travailleur pour recouvrir ses forces cognitives et physiques après une dépense énergique réalisée pendant les journées de travail. Pour optimiser celle-ci, si le travailleur dispose de diverses options pour récupérer (ex : importance des activités pratiquées), l’employeur doit également respecter certaines règles pendant les temps de repos (ex : respect du droit à la déconnexion, veille sur la charge de travail en amont).
Sous certaines conditions, les périodes de vacances constituent une illustration parfaite de la récupération, alors déconnectez-vous !
Auteur
Julia Aubouin Bonnaventure, chargée de recherche appliquée chez AD Conseil et doctorante en convention CIFRE en psychologie du travail et des organisations au laboratoire Qualipsy de l’Université de Tours. Ses travaux portent sur l’étude des effets des pratiques organisationnelles sur la santé psychologique, les attitudes et les comportements des travailleurs.
Bibliographie
Chen, C., Huang, W., Gao, J., & Petrick, J. F. (2017). Antecedents and Consequences of Work-Related Smartphone Use on Vacation: An Exploratory Study of Taiwanese Tourists. Journal of Travel Research, 57(6), 613– 633. https://doi.org/10.1177/0047287517714907
De Bloom, J., Geurts, S., Kompier, M. (2013). Vacation (after-) effects on employee health and well-being, and the role of vacation activities, experiences and sleep. Journal of Happiness Studies, 14, 613–633. https://doi.org/10.1007/s10902-012-9345-3
De Bloom, J., Kompier, M., Geurts, S., De Weerth, C., Taris, T., & Sonnentag, S. (2009). Do we recover from vacation? Meta-analysis of vacation effects on health and well-being. Journal of Occupational Health, 51, 13–25. https://doi.org/10.1539/joh.k8004
Kühnel, J., & Sonnentag, S. (2011). How long do you benefit from vacation? A closer look at the fade-out of vacation effects. Journal of Organizational Behavior, 32, 125–143. https://doi.org/10.1002/job.699
Meijman, T. F., & Mulder, G. (1998). Psychological aspects of workload. In P. J. D. Drenth, H. K. Thierry, & C. J. De Wolff (Eds.), Handbook of work and organizational psychology (2nd ed., pp. 5–33). Hove, UK: Psychology Press/Erlbaum.
Nawijn, J., Marchand, M., Veenhoven, R., & Vingerhoets, A. (2010). Vacationers happier, but most not happier after a holiday. Applied Research in Quality of Life, 5, 35–47. https://doi.org/10.1007/s11482-009-9091-9
Sluiter, J. K., rings-Dresen, M. H., Meijman, T. F., & van der Beek, A. J. (2000). Reactivity and Recovery From Different Types of Work Measured by Catecholamines and Cortisol: A Systematic Literature Overview. Occupational Environmental Medicine, 57(5), 298-315. https://doi.org/10.1136/oem.57.5.298
Sonnentag, S., & Fritz, C. (2007). The recovery experience questionnaire: development and validation of a measure for assessing recuperation and unwinding from work. Journal of Occupational Health Psychology, 12, 204–221. https://doi.org/10.1037/1076-8998.12.3.204
van Veldhoven, M., & Broersen, S. (2003). Measurement quality and validity of the “need for recovery scale”. Occupational Environmental Medicine, 60(1), 3–9. http://dx.doi.org/10.1136/oem.60.suppl_1.i3
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