Focus : le besoin de récupération

24 Mar, 2014

Qu’est ce que le besoin de récupération ?

Partant du principe que le travail est à l’origine de dépenses énergétiques tout au long de la journée, le modèle effort-récupération propose que ces efforts et la consommation de ressources induite résultent en une activation de symptômes émotionnels, cognitifs et comportementaux reflétant un besoin de récupération. Ce besoin de récupération peut être caractérisé par des sentiments de surcharge, d’irritabilité, de retrait social, de manque d’énergie pour un nouvel effort et de performance réduite.

Toutefois, l’inversion de l’activation de ces symptômes prenant un certain temps, il est nécessaire que l’individu dispose de suffisamment de temps pour récupérer (que ce soit pendant ou après le travail) afin de pouvoir débuter la journée du lendemain (qu’il s’agisse d’une journée de travail ou dans la sphère privée) sans symptômes résiduels. Ainsi, les efforts et l’énergie dépensés au travail génèreraient un besoin de récupération pouvant être observé particulièrement durant les dernières heures de travail ou immédiatement après le travail, voire de manière durable si le besoin de récupération n’est pas satisfait. Or, des études ont démontré que plus les efforts au travail ont été intenses (charge physique, cognitive, émotionnelle), plus le temps de récupération nécessaire est long.

Lorsque les possibilités de récupération ne sont pas suffisantes, l’individu débute la journée suivante avec un besoin de récupération résiduel. Le modèle effort-récupération postule donc que les efforts dépensés dans la sphère professionnelle peuvent entraîner des réactions de surcharge cumulatives négatives, qui se transfèrent dans toutes les sphères de vie. Le caractère réversible de ces situations de cumul dépendrait d’une récupération suffisante permettant au système psychobiologique de se stabiliser avant l’atteinte d’un seuil critique de surcharge.

Quelles conséquences ?

À défaut d’une récupération suffisante, ces réactions de surcharge s’accumuleraient, entrainant des conséquences chroniques sur la santé telles que de la fatigue prolongée, des troubles du sommeil mais également des niveaux plus élevés d’activité cardiovasculaire, une altération du fonctionnement immunitaire ou encore des conséquences sur la santé physique et psychologique à moyen et long terme.

Le temps passé hors travail équivaut-il forcément à une opportunité de récupération ?

Parce que la récupération peut se faire durant le travail mais aussi hors de la sphère professionnelle, l’importance de la récupération durant les heures hors travail est de plus en plus reconnue dans la protection des travailleurs face aux effets négatifs des contraintes professionnelles mais également dans la performance au travail de ces derniers.

Cependant, si la nécessité des processus de récupération hors travail a été démontrée, le temps passé hors travail, n’équivaut toutefois pas nécessairement à un temps de récupération.

Premièrement, l’opportunité de récupérer hors travail dépend de la nature des activités exercées sur ce temps, les obligations domestiques pouvant consister en une accumulation supplémentaire d’efforts et ne pas laisser place à la récupération et à la restauration des ressources.

Deuxièmement, la possibilité de récupérer renvoie à la difficulté de se détacher psychologiquement du travail durant les heures hors-travail, c’est à dire à la distanciation du travail non seulement physiquement mais également psychologiquement durant les heures hors travail. Cette distanciation, appelée détachement psychologique, serait moins possible lorsque la charge de travail est élevée et prédirait une augmentation du besoin de récupération.

Quels enseignements ?

Plusieurs bonnes pratiques concrètes peuvent être recommandées afin de favoriser la récupération :

  • Encourager le recul sur sa propre charge de travail et sensibiliser aux mécanismes du besoin de récupération (ex. : technique Pomodoro)
  • Préconiser des méthodes de planification intelligentes, centrées sur la nature des tâches.
  • Créer des indicateurs collectifs de charge de travail et questionner les professionnels sur les seuils impactant leur qualité de vie hors travail.
  • Questionner les professionnels sur la qualité de la récupération hors travail dans le cadre des démarches d’évaluation des RPS et de la QVT.
  • Développer des cultures d’entreprise favorisant le détachement et la déconnexion.

Pour conclure

Parce qu’il constitue un indicateur psychologique précoce prédisant des conséquences négatives sur la santé physique et psychologique, le besoin de récupération représente un indicateur particulièrement intéressant en termes de prévention – et non d’intervention curative – de l’impact du travail sur la santé des professionnels. Par ailleurs, le modèle effort-récupération semble particulièrement pertinent au regard des réalités professionnelles contemporaines, plus particulièrement dans les secteurs caractérisés par une augmentation de la charge de travail ou un travail en horaires décalés.

Quelques références :

  • Binnewies, Sonnentag, & Mojza, 2009
  • de Bloom, Geurts, Sonnentag, Taris, de Weerth, & Kompier, 2011
  • Geurts & Sonnentag, 2006
  • Maslach, Schaufeli, & Leiter, 2001
  • Meijman & Mulder, 1998
  • Sanz-Vergel, Demerouti, Bakker, & Moreno-Jimenez, 2011
  • Sluiter, Frings-Dresen, van der Beek, & Meijman, 2001
  • Sonnentag, Perrewe, & Ganster, 2009
  • Sonnentag, Kuttler, & Fritz, 2010
  • Van Veldhoven & Broersen, 2003
Cet article est une mise à jour enrichie d’une première version publiée en mai 2015

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