Mieux travailler avec un trouble DYS

13 Avr, 2023

Longtemps ignorés ou minimisés, les troubles DYS sont de mieux en mieux diagnostiqués, ce qui ouvre la voie à des progrès dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes en souffrant dans leur quotidien professionnel. Dans cet article, nous donnons la parole à Anne-Lise CHABOT, psychologue du travail spécialisée dans la compensation du handicap, pour mieux comprendre ces troubles, leurs conséquences au travail et partager des pistes de compensation et d’adaptation.

Le Blog QVT :  Qu’appelle-t-on « troubles DYS » ?

ALC : Cette appellation désigne de façon commune des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA). Il s’agit de troubles neurologiques qui viennent impacter ce qu’on appelle les fonctions cognitives. Ces fonctions sous-tendent des processus mentaux comme la mémorisation, le langage, l’attention, l’inhibition, l’orientation ou la coordination. Les troubles DYS viennent donc affecter ces fonctions que nous mettons en œuvre dans toutes nos activités pour interagir et appréhender notre environnement.

Les troubles DYS ne forment pas un tout homogène : ils peuvent avoir des origines diverses et des niveaux de sévérité plus ou moins importants. Ils peuvent parfois se superposer (on parle alors de comorbidité). Par exemple, 20 % des personnes dyslexiques souffriraient également de dyspraxie.

Il est important de noter que chaque trouble DYS peut varier en gravité et en manifestation chez chaque individu, et qu’un diagnostic professionnel est nécessaire pour déterminer un trouble spécifique.

Quels sont les troubles DYS les plus fréquents ?

  • La dyslexie (difficulté à lire, à écrire et à comprendre le langage écrit)
  • La dysorthographie (difficulté à orthographier correctement les mots)
  • La dyscalculie (difficulté à comprendre et à utiliser les nombres et les opérations mathématiques),
  • La dysphasie: (difficulté à comprendre et à utiliser le langage oral)
  • La dyspraxie: (difficulté à planifier et à coordonner les mouvements, affectant souvent les compétences motrices fines)
  • La dysgraphie: (difficulté à écrire, à dessiner et à tracer des formes)
  • La dysphonie: Difficulté à produire des sons vocaux, affectant souvent la voix.

Une personne atteinte d’un ou plusieurs de ces troubles est-elle considérée comme handicapée ?

Tout dépend du niveau de sévérité des troubles. Rappelons avant tout qu’un handicap se définit par les limitations qu’occasionne l’état de santé dans la vie quotidienne. Une personne atteinte de troubles DYS à l’origine de difficultés durables et significatives est donc de fait en situation de handicap.

La particularité des troubles DYS réside cependant dans le fait que leurs manifestations ont longtemps été considérés socialement comme des marqueurs de paresse, de retard intellectuel, de maladresse, ou de manque d’efficience. Dans nos représentations, nous avons encore du mal à les associer à une problématique relevant du handicap.

Comment ces troubles sont-ils diagnostiqués ? Généralement dès l’enfance ?

La plupart du temps, ils sont effectivement détectés durant l’enfance. La sensibilisation croissante aux troubles DYS favorise de plus en plus une prise en considération précoce des difficultés rencontrées et exprimées par les enfants. Mais il arrive également qu’ils soient seulement diagnostiqués à l’âge adulte. Plus les manifestations sont fluctuantes ou peu marquées, plus il est ardu de les diagnostiquer. Certaines personnes parviennent également à vivre longtemps en transcendant leurs difficultés au prix d’une grande résilience et de stratégies de contournement coûteuses en énergie.

Prenons l’exemple communément cité mais peu connu de la dyspraxie, comment cela se manifeste dans la vie courante ?

Cette pathologie se traduit essentiellement par des troubles de l’orientation dans l’espace et de la motricité fine. Dans ses formes les plus légères, ce trouble a peu de conséquences, si ce n’est une légère maladresse apparente.  Les formes plus graves de dyspraxie sont en revanche susceptibles d’être réellement handicapantes au quotidien.

Un enfant en plein processus d’apprentissage aura ainsi beaucoup de mal à réaliser certains gestes demandant une coordination complexe comme le fait de faire ses lacets. Cela peut également rendre  difficile le fait de se repérer dans un magasin ou une entreprise, même connus.

Les troubles DYS ont-elles des conséquences sur le parcours professionnel ?

Tout dépend du niveau de gravité du trouble, mais aussi de la précocité du diagnostic. Les enfants non diagnostiqués rencontrent en effet des difficultés lors de leur parcours d’apprentissage souvent interprétées à tort comme un manque d’efficience. S’ils sont banalisés, mal interprétés, voire réprimés, ces difficultés handicaperont les personnes qui en sont atteintes dans leur scolarité, leur orientation professionnelle puis dans leur vie active. Elles peuvent également avoir d’importants corollaires comme une baisse de l’estime de soi et une dépréciation de ses propres possibilités.

Quelles méthodes de compensation peuvent être préconisées pour améliorer le quotidien au travail des personnes souffrant de troubles DYS ?

Les troubles DYS étant très diversifiés, il n’existe pas de « recette ». Chaque solution de compensation doit être réfléchie en fonction de la nature du trouble, de sa sévérité, mais aussi du niveau d’appropriation qu’en à la personne. Pour les personnes dyspraxiques, un travail sur la signalétique ou les moyens mnémotechniques d’aide à l’orientation sera profitable.

Plus concrètement, cela peut consister dans le fait de stabiliser l’environnement de travail en évitant les fonctionnements de type flex-office. Il est également recommandé lorsque c’est possible d’associer la personne à l’agencement et l’organisation de son environnement de travail. Une signalétique claire pour retrouver facilement les différents lieux de travail et de vie sera également utile, et au passage profitable pour tous les salariés.

Les personnes dyslexiques bénéficieront plus d’accompagnements centrés sur l’information écrite et l’aide à la lecture. Par exemple, je connais une mission handicap qui a établi un système simple pour aider une collègue dyslexique : quand cette personne rédige ses mails, il est spécifié dans sa signature de « ne pas vérifier les fautes d’orthographes ». Le fait d’écrire n’est pas un problème pour elle mais éviter de faire des fautes lui demandera un effort de vérification surdimensionné et très fatigant par rapport à la moyenne. Dans ce cas précis, ce petit message fait à la fois office de solution de compensation et de vecteur de sensibilisation.

Le recours à des contenus de communication inspirés des approches FALC (facile à lire et à comprendre) peut également être utile pour les personnes souffrant de troubles importants.

Quels conseils partager avec les personnes travaillant avec des troubles DYS ?

L’évaluation de la sévérité des troubles et de leurs conséquences sur le travail passe par le dialogue avec l’employeur et les professionnels de santé au travail. C’est en passant par cette étape de co-construction que l’employeur pourra réellement mettre en place des outils adaptés. L’objectif sera d’éclairer au maximum l’employeur et les acteurs de la santé au travail sur les situations de travail posant difficulté, en exprimant des besoins clairs pouvant donner lieu à des solutions de compensation.

Les personnes souffrant de troubles réellement handicapants et ne bénéficiant d’aucune reconnaissance administrative auront également tout intérêt à s’engager dans un parcours de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Ce titre ne fait pas état de la pathologie qui reste confidentielle. Il ouvre le droit à des aides à l’aménagement de poste, à des formations adaptées et à différentes mesures d’accompagnement qui faciliteront le quotidien au travail.

Lucrèce Valence

Réalisation et animation : Lucrèce VALENCE, Journaliste pour Le Blog QVT

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