Accompagner le retour à l’emploi après un arrêt de longue durée

21 Juil, 2021
retour à l'emploi

[lwptoc]

Le retour à l’emploi d’un salarié après un arrêt maladie prolongé est souvent source de difficultés. L’impréparation, l’insuffisance du travail interdisciplinaire ou le manque de savoir-faire et d’outils explique ces contraintes.
Dans cet article, nous revenons sur les pratiques d’accompagnement individuelles et collectives qui permettent de dépasser les écueils et de professionnaliser l’accompagnement du retour à l’emploi.

 

La préparation du retour à l’emploi des professionnels ayant subi un arrêt maladie de longue durée est souvent un moment délicat du parcours professionnel.

Il s’agit en effet de trouver un équilibre permettant au professionnel concerné de retrouver ses marques et de se réadapter progressivement à son poste de travail, tout en donnant un maximum d’outils à son manager et ses collègues pour que cette situation ne devienne pas une contrainte.

Dans les faits, cette phase critique de retour à l’emploi est souvent chaotique. Le droit du travail français limitant drastiquement le lien entre les salariés et leur employeur en arrêt, le retour à l’emploi est la plupart du temps impréparé. Les salariés, fragilisés par leur éloignement de l’emploi et parfois par des contraintes résiduelles, reviennent souvent au travail sans véritable anticipation, dans des collectifs de travail qui ont évolué dans leur composition et leur façon de fonctionner. Les managers ont par conséquent l’impression d’être mis devant le fait accompli et ne disposent pas forcément des outils et des ressources pour structurer des parcours de retour à l’emploi adaptés.

C’est à cause de ces difficultés que ces transitions se concluent parfois par des échecs qui conduisent à de nouvelles ruptures de parcours.

Un contexte de fragilisation des parcours professionnels

Pourtant, une part de plus en plus importante de la population active française évolue au quotidien avec des problématiques de santé chronique. Aujourd’hui, près de 14 % des actifs présenteraient un problème de santé durable impactant le travail selon la DARES. Le nombre de licenciements pour inaptitude a lui plus que doublé en 10 ans.

Le vieillissement de la population active, l’allongement de la durée de vie au travail et la multiplication des contraintes sanitaires, sociales et économiques nous font entrer dans un paradigme où la dégradation de la santé ne doit plus être considérée comme un aléa, mais comme un paramètre prévisible qui impose une réelle professionnalisation des pratiques d’accompagnement des parcours professionnels.

Couplée aux dispositifs de veille et de maintien dans l’emploi, l’amélioration des pratiques d’accompagnement du retour à l’emploi représente ainsi un levier d’action significatif pour sécuriser les parcours professionnels et favoriser le maintien dans l’emploi.

Au-delà des bénéfices évidents qu’elle procure en matière de performance et de prévention, l’amélioration des pratiques d’accompagnement du retour à l’emploi représente un enjeu citoyen où l’on accepte sans fatalisme ni déni que la santé se dégrade, que les parcours s’accidentent et où l’individu compte même lorsqu’il est fragilisé.

Versant individuel : accompagner le salarié dans son processus de retour

Le retour à l’emploi après un arrêt longue maladie n’est pas un évènement ponctuel. Il s’agit d’un véritable processus transitionnel qui peut être accompagné.

La chercheuse en psychologie sociale Nancy Schlossberg (2011) démontre ainsi que les périodes de transition de vie représentent des phases critiques où l’individu est fragilisé face à une situation incertaine, à fortiori lorsque la transition est subie.

Dans sa désormais célèbre théorie dite des « 4S », Schlossberg donne plusieurs clés pour accompagner les personnes dans des parcours transitionnels. Quatre axes de travail prédisent selon elle l’adaptation ou non à la future situation.

Schéma retour à l'emploi

Schlossberg recommande particulièrement d’apporter un soutien psychologique significatif, de fournir des ressources, d’aider les personnes à travailler sur une image de soi positive et de les aider à réduire l’incertitude.

Dans le cas du retour à l’emploi après un arrêt longue maladie, la mise en œuvre de ces axes d’accompagnement présuppose un travail interdisciplinaire entre les professionnels de soutien (médecine du travail, assistants sociaux, etc.), les professionnels RH et l’encadrement opérationnel.

Un tel accompagnement passe également par le maintien d’un lien de qualité tout au long de la période d’arrêt, idéalement par le truchement des professionnels de soutien par souci déontologique.

Peu avant le retour à l’emploi, et notamment à l’occasion de la visite de pré-reprise, il est également nécessaire de faire le point sur l’ensemble des contraintes résiduelles liée à l’état de santé du salarié revenait au travail. Ces contraintes englobent aussi bien les problématiques de santé directement liées à une pathologie ou ses séquelles (ex. : fatigabilité, restrictions affectant certains gestes, etc.) que des contraintes indirectes liées à l’état psychologique du salarié ou à son éloignement de l’emploi.

A ce titre, l’amélioration des outils d’analyse fonctionnelle dont disposent les médecins du travail est essentielle pour cesser de s’en tenir à des contraintes purement physiques et apprendre à objectiver les contraintes cognitives, relationnelles ou environnementales.

Plus l’analyse des contraintes sera fine, plus les restrictions d’aptitude seront ciblées et objectives. Elles permettront au management de savoir précisément ce que peut ou ne peut pas faire le salarié et, par conséquent, de proposer un poste adapté avec plus de facilité.

Ce travail permet enfin d’éviter des solutions parfois stéréotypées ou génériques, à commencer par le temps partiel thérapeutique parfois mis en œuvre sans véritable réflexion sur son contenu, ses modalités ou les contraintes qu’il est censé permettre de compenser.

Dimension collective de l’accompagnement

Un salarié de retour à l’emploi arrive dans un contexte collectif dont il modifiera inévitablement inévitablement les équilibres. Le retour d’arrêt d’un collègue après une longue absence peut ainsi être perçu comme une contrainte et ce d’autant plus lorsque l’organisation ou le contenu du travail ont changé.

Pour minimiser ces difficultés, il est essentiel d’anticiper l’impact d’un retour à l’emploi sur le collectif. Pour cela, il est nécessaire de bien préciser les contours du poste qu’occupera le salarié, mais aussi d’anticiper son parcours de montée en puissance progressive afin que son adaptation ne se traduise pas par une charge supplémentaire pour ses collègues.

A ce titre, et dans un souci d’équité, les missions de tutorat, d’accompagnement ou de formation qui pourraient être assignées à certains collègues doivent être formalisées et valorisées.

Un dialogue franc autour des contraintes ayant donné lieu à des aménagements est également conseillé. Il permet de couper court aux rumeurs et de justifier toute différence de traitement observable. Rappelons que le fait de partager des restrictions d’aptitude et des contraintes ne représente en aucun cas une entorse au secret médical tant que la pathologie de la personne concernée n’est pas révélée. Il s’agit simplement de partager ce qui, pour raison de santé, peut ou ne peut pas être effectué.

Tous ces enjeux de communication et de posture mettent en évidence l’intérêt d’améliorer – voire d’initier – la formation des managers à la santé au travail. Il s’agit de leur apporter un savoir-faire très concret pour savoir parler de ces questions, retravailler une organisation ou encore revoir la répartition de certaines tâches en prenant en considération le paramètre santé.

En somme, un processus de retour à l’emploi réussi représente une forme de contrat symbolique où chaque acteur a un rôle significatif à jouer. L’amélioration des pratiques de retour à l’emploi passe ainsi par une évolution de notre culture où les questions de santé au travail restent à ce jour perçues comme l’affaire d’experts du « care », détachés des enjeux professionnels et managériaux. C’est au contraire en faisant un sujet intégré aux routines de chaque organisation qu’une évolution significative sera possible.

Bibliographie

Schlossberg, N. K. (2011). challenge of change : The transition. Journal of Employment Counseling, 48, 5.

Auteur

Fadi Joseph Lahiani

Fadi Joseph Lahiani, Psychologue du travail et des organisations

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