Droit à la déconnexion : Quelles normes organisationnelles ?

30 Jan, 2018
démarche QVT intégrative

Il y a un peu plus d’un an, le 1er janvier 2017, paraissait l’article L2242-8, du Code du Travail, dont le Paragraphe 7 imposait aux entreprises françaises de plus de 50 salariés de négocier des règles de déconnexion en dehors des heures du travail. Depuis, la notion de « droit à la déconnexion » s’est démocratisée, et employeurs, experts et chercheurs continuent de s’approprier cette nouvelle problématique organisationnelle.

Frontière vie professionnelle-vie privée : Des normes organisationnelles

Explorant divers phénomènes à l’interface entre la vie professionnelle et la vie privée, des chercheurs américains ont introduit il y a une dizaine d’années la notion de normes de segmentation. Ces auteurs expliquent que les organisations du travail varient selon le degré auquel elles encouragent et soutiennent des frontières claires entre la sphère professionnelle et la sphère privée et considèrent ces frontières comme imperméables. La perception qu’ont les professionnels du degré de segmentation pratiqué par leurs pairs, collègues ou managers peut donner un aperçu des normes de segmentation d’une organisation.

Segmentation ou intégration ?

Lorsque les professionnels ont le sentiment que leur employeur les encourage à séparer la vie professionnelle de la vie privée en limitant la gestion des problèmes professionnels au lieu de travail, les normes de segmentation sont dites élevées, on parle alors d’une culture de segmentation. À l’inverse, quand les frontières sont floues voire absentes entre les sphères professionnelle et privée (par ex., contacter les professionnels hors du temps de travail, attendre d’eux qu’ils emmènent du travail à leur domicile, qu’ils soient joignables à tout moment), les normes de segmentation sont dites faibles, on parle alors d’une culture d’intégration. Le degré de segmentation ou d’intégration peut être valorisé ou découragé au travers de politiques, de pratiques, ou d’exigences formelles ou informelles.

Un impact sur les pratiques individuelles

En s’appuyant sur la théorie dite de l’apprentissage social (qui propose que les personnes tendent à reproduire le comportement des membres du groupe social dans lequel elles évoluent), la recherche a par ailleurs suggéré que les professionnels ont tendance à adopter les normes de segmentation pratiquées par leurs pairs, indépendamment de leurs préférences personnelles. En d’autres termes, les pratiques individuelles sont fortement impactées par le degré de segmentation – ou, à l’inverse, d’intégration- entre la vie privée et la vie professionnelle véhiculé au sein d’un groupe de travail ou d’une entreprise.

Quels effets sur l’articulation vie privée-vie professionnelle?

Des études scientifiques ont par exemple démontré que plus les normes de segmentations sont faibles, autrement dit plus l’employeur encourage l’intégration des sphères de vie via l’utilisation des outils numériques par exemple, plus les professionnels perçoivent une interférence négative de leur vie professionnelle sur leur vie privée et plus ils ont des difficultés à se détacher psychologiquement -à décrocher- du travail les soirs et les weekends.

Et en pratique ?

En dépit d’une véritable prise de conscience collective, la prise de perspective quant aux normes organisationnelles adaptées pour favoriser l’équilibre des sphères de vie reste limitée en France.

Certains employeurs engagent des démarches internes sur le droit à la déconnexion. Ces dernières restent malheureusement souvent limitées à des recommandations théoriques et génériques (ex. charte d’utilisation des outils numériques), là où chaque culture d’entreprise requiert des pratiques concrètes et spécifiques.

Il serait ainsi profitable de mettre en débat ces normes pour trouver le meilleur compromis possible entre les préférences des professionnels concernés d’une part (réalités métier, habitudes de travail, contraintes professionnelles et privées, etc.), et, d’autre part, les incontournables portés par l’institution (valeurs, culture, protection de la santé et de la vie privée, etc.).

Ce type de démarche aurait le mérite de confronter les objectifs de déconnexion à la réalité des pratiques et de construire des consensus plus engageants car pensés au regard des réalités de chacun.

 

Quelques références :

  • Bandura, 1977
  • Derks, van Duin, Tims, & Bakker, 2015
  • Kreiner, 2006
  • Park, Fritz, & Jex, 2011

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