Cinq clés pour un dialogue social favorisant la qualité de vie au travail

25 Mai, 2018

De nombreux observateurs nationaux et internationaux s’accordent sur le caractère peu constructif du social en France.

Malgré les nombreuses réformes du droit du travail et du dialogue social dans les secteurs privé et public ces dernières décennies, les instances représentatives du personnel restent perçues comme un espace de confrontation peu propice à la co-construction.

De nombreuses réformes se transforment en conflits ouverts entre employeurs et représentants du personnel où il est admis, dans une sorte de fatalité convenue, qu’une partie doit sortir gagnante au détriment de l’autre.

Loin d’être une vue de l’esprit, cette faible aptitude à la coopération est confirmée par de nombreuses données. A titre d’exemple, concernant la qualité de la coopération entre employeurs et employés, la France est classée 109ème sur 137 pays par le Forum Economique Mondial dont voici un extrait du Classement 2018 des pays en fonction de la qualité de la coopération entre l’employeur et les salariés :

1 Suisse
2 Singapour
3 Norvège
4 Danemark
5 Pays Bas
14 Etats Unis
19 Royaume Uni
21 Allemagne
31 Etats-Unis
84 Espagne
102 Italie
108 Kirghizistan
109 France
110 Zimbabwe
137 Afrique du Sud

Le caractère conflictuel du dialogue social est incontestablement un frein à l’amélioration durable à la qualité de vie au travail dans la mesure où il empêche le développement d’une culture de recherche de compromis entre performance durable d’une part, et santé et bien-être au travail d’autre part.

En tant que praticiens de la qualité de vie au travail, nous avons pu constater au fil de nos interventions que les salariés se reconnaissent de moins en moins dans ces jeux de posture et qu’ils sont de plus en plus nombreux à estimer que le dialogue social a peu d’impact sur leurs conditions de travail dans la durée.

Cette décrédibilisation des instances du dialogue social se traduit d’ailleurs nettement dans le taux de syndicalisation en France, en érosion quasi continue depuis l’après-guerre (Evolution du taux de syndicalisation chez les travailleurs français depuis 1949, DARES)

Des faits d’actualité récents tendent par ailleurs à indiquer que les salariés sont en demande d’espaces de dialogue alternatifs et constructifs. Le regroupement de salariés d’Air France en un collectif indépendant de la direction et des syndicats en est un exemple.

Quelles clés pour un dialogue social favorisant la qualité de vie au travail ?

Le développement d’un dialogue social favorisant la qualité de vie au travail n’est pourtant pas une chimère. Sa construction passe par un engagement réciproque au service de l’intérêt général, sous-tendu par des prérequis concrets :

  1. Mettre en débat la performance: La qualité de vie au travail est par définition le meilleur compromis entre performance durable et santé au travail. Ce compromis n’est atteignable que si la notion même de performance est au centre du dialogue social. Cela sous-entend que les différentes parties prenantes s’accordent sur la nature même de l’efficience collective. Cela n’est possible que s’il existe des espaces de concertation autour des finalités stratégiques réelles, afin de dépasser les visions parcellaires génératrices d’écarts et de confrontations.
  2. Se donner les compétences utiles: Les sujets mis en débat dans le cadre de l’agenda social de tout employeur se caractérisent par une complexité croissante. Or, force est de constater que dans de nombreux cas, les parties prenantes du dialogue social ne disposent pas des compétences techniques favorisant un dialogue serein autour de certaines thématiques (ex. : risques psychosociaux, égalité professionnelle). La formation professionnelle des acteurs du dialogue social est donc incontestablement une clé d’amélioration. Elle permet ainsi de dépasser des postures ou des opinions instinctives et favorise la co-construction à partir de grilles de lecture éclairées.
  3. Se donner les moyens de suivre dans la durée les éléments actés dans le cadre du dialogue social: Les tensions sociales se cristallisent souvent à l’instant de la prise de décision. Pourtant, au-delà de l’accord paritaire conclu à un instant donné, c’est l’utilité véritable des décisions et leur impact sur la qualité de vie au travail des salariés qui méritent d’être questionnés. Il est donc utile que les partenaires sociaux acquièrent une culture du suivi d’impact des accords paritaires au travers du choix d’indicateurs fiables permettant de questionner les acquis réalisés au travers des décisions issues du dialogue social.
  4. Investir dans la visibilité des espaces de dialogue social: Aujourd’hui, peu de salariés français connaissent précisément les prérogatives et les modalités de fonctionnement des instances représentatives du personnel. Ils s’en saisissent peu comme moyen d’expression. Cela contribue à l’effritement du rôle de représentation des instances et participe de leur décrédibilisation. Il est par conséquent profitable aux partenaires sociaux d’investir dans la communication paritaire sur les rôles et les limites des instances représentatives du personnel afin de maintenir leur visibilité et de mettre en évidence leur utilité auprès des salariés.
  5. S’accorder sur des bonnes pratiques de dialogue social: Pour favoriser des négociations constructives et profitables au plus grand nombre, il est utile que les partenaires sociaux s’accordent sur certaines routines. Côté employeur, il est utile de s’engager sur la disponibilité et la transparence des informations mises à disposition des représentants du personnel, et ce suffisamment en amont pour garantir une préparation de qualité. Côté représentants du personnel, il est profitable de s’engager sur de bonnes pratiques de communication en aval des instances pour éviter les discours contradictoires favorisant les rumeurs et les tensions.

En conclusion, nous sommes persuadés que le dialogue social est un levier incontournable d’amélioration de la qualité de vie au travail. Au-delà de la culture du consensus souvent  érigée en exemple, le fait que les instances représentatives du personnel restent un lieu de confrontation est indispensable pour construire des compromis solides. Ces compromis restent toutefois conditionnés à l’engagement des parties prenantes au service de l’intérêt collectif et exigent une ambition partagée au service d’une amélioration durable, tant des performances que de la qualité de vie au travail.

Pour en savoir plus sur les spécificités du dialogue social Français et s’ouvrir aux pratiques d’autres pays, nous recommandons le podcast de l’émission « Un jour dans le monde » diffusé sur France Inter : « Grèves : une exception française ? »

 

 

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